mercredi 29 août 2012

Grosse chenille molle en hiver.

L’IMPUISSANCE.
J’attends mon corps qui dort. Mes cheveux piquent mon visage et je ne les tasse pas, je garde les yeux fermé et je m’entortille un peu plus dans les couvertures. Je crève de chaleur mais je m’enroule dans un cocon. Mon corps est encore en mutation. À force de muer et de m’éplucher, à force de perdre des peaux, je n’ai presque plus rien. Des muscles rabougris et un système endocrinien détraqué. Un cœur en marshmallow qui bat trop lentement et des yeux qui ne veulent plus s’ouvrir par en-dehors.
J’ai chaud. Je frissonne.
Mon corps traverse une autre saison en hiver. Ma millième.
Le souffle froid de l’hiver qui entre dans la poitrine et gèle les poumons, qui colle les cils, qui fait craquer les arbres de frette. L’hiver dessèche, le ciel est blanc et je ne sais plus où commence le champ et où fini le ciel. Le vent brûle la peau. Le froid. La lenteur. Le poids de la neige. La lourdeur infinie de l’hiver dans mes membres.
Les flocons sont des corps suspendus et légers ; je veux devenir un flocon et danser moi aussi.
Toutes mes chirurgies… tombée endormie ; hibernations le temps d’une exérèse. Chaque fois ça me prend toute mon énergie pour sortir de l’hiver qui me gèle jusqu’au milieu des os, des glaçons sur mes rêves qui éclatent en petits morceaux.
Chaque fois en radiothérapie, le masque, c’était mille tonnes de neige sur mon visage.
Je ne veux plus avoir froid. Je ne veux plus être en dormance.
L’attente des jours plus lumineux.

J’ai vu Dr. Serri mardi matin et j’y allais comme on va voir un grand spectacle de magie ; j’avais mis tout mon corps et sa chimie zinzin entre ses mains de syrien et j’y allais fébrile et gonflée d’espoir. Je voulais qu’il fasse un beau tour de magie avec mon corps. TATADAM ! Toute la grosse guimauve sans mojo que je deviens est disparue ! TADADAM ! Je fais réapparaître Amé, celle d’avant, avec son corps vivant et vif, son rire et son pétillant de 7-up, sa fougue. SON ÉNERGIE.
Il n’y a pas eu de représentation.
L’ajustement sera long. C’est que c’est précaire cet équilibre chimique qui nous détermine.
Verdict de mon Magicien d’Oz : ce que je ressens, toute cette lourdeur qui aspire ma volonté, qui paralyse mon corps, cette lassitude, cette Amé que je ne connais pas et qui vit en moi, eh bien voilà, tralali-tralala, ce sont les contrecoups de la radiothérapie… CE SONT LES CONTRECOUPS DE LA RADIO  ?!!!! LÀ ?! MAINTENANT ??? Non mais QUELLE CONNE JE SUIS. (Si j’en avais eu l’énergie, je me serais  tapée la tête dans le mur !) …Oh oui, il y aura bien des réajustements hormonaux dans la prochaine année, (il faudra d’ailleurs se fréquenter avec plus d’assiduité… « aux deux mois je veux vous voir Mlle Pellerin, avec prises de sang et suivi endocrinien serré »…) Mais moi je ne veux pas me faire tirer du sang et pisser dans des bidons ! Je veux un printemps dans mon sang ! Je veux être un arbre plein de sève qui monte et qui descend et qui jute, je veux enrouler mes racines jusque de l’autre côté de la Terre et attraper des chinois avec, je veux percer le ciel et empaler de tendres nuages, je veux être un arbre-MONSTRE !!! Pas juste une morte-vivante qui marche dans la neige, les lèvres bleues et le cœur frette.
J’attendais de sentir les moteurs gronder, mon corps se remettre en marche. Vivre. ViiiiiiiiiiiiiiiiiiiVRE criss. Avancer. Je croyais avec naïveté que tout ça était derrière moi… la chirurgie, la radio, le corps malade. Je croyais vraiment que j’étais guérie. Oh. Quelle conne. Bien sûr. Ce n’est JAMAIS fini.
À retardement, la radio me rattrape. Mon corps est mon cul-de-sac. Pouet-pouet-pouet. Le magicien a sorti un lapin mort du chapeau.
Je voudrais tant que tout ça arrête. Je veux retrouver mon « pétille-de-fille ».

Souvent, depuis quelque temps, je rêve que tout ça ne m’est jamais arrivé. Les tumeurs, les chirurgies, les deuils, les pertes, les morceaux de corps amochés-déformés-enlevés-rajoutés-morts, la radiothérapie, la violence du corps, le cœur qui pleure.
Je n’ai plus d’énergie pour porter cette énième métamorphose.
Je suis fatiguée fatiguée fatiguée. Je pourrais dormir des millions d’années et ne plus m’éveiller.
Mon corps est si lourd.
Mon corps m’emprisonne.
Je suis un monstre mollasson. Je n’en veux pas de ce corps-là.
Je veux être un putain de papillon, moi.


Bon. Soyons positif : avec la saison de l’hiver vient le hockey. Avec le hockey vient le Canadien. Et avec le Canadien il y a P.K. Subban (reste P.K., reeeeessssste !) 
Comme quoi tout n’est pas (encore) pourri !

jeudi 23 août 2012

Montréal.

Quand je suis partie à Kamou en juin, après mes traitements de radio, j'en avais marre de Montréal.
Plein le cul des travaux, de la chaleur qui écrase les poumons, des gens bling-bling-wannabe-regardez-moi !, de l'air, de la consommation, de l'énergie de cette ville sale et belle à la fois.
J'ai rempli ma valise de robes et je me suis poussée là où le ventre du fleuve est mou à marée basse.
J'ai marché plusieurs fois dans la vase salée, j'ai jardiné, j'ai dormi, j'ai dormi, j'ai dormi... j'ai traversé des champs de canola jaune fluo en vélo et j'ai mangé à bouche-que-veux-tu tous les couchers de soleil, du multicolore au gris souris plein de pluie, du timide au grandiose. Tous. Et puis j'ai dû revenir dans l'antre du monstre à l'haleine brûlante, Montréal, toi que j'adore, toi qui me bouffe toute crue.
J'ai fait un sevrage de cette salope aux yeux doux, je croyais m'en être lavée...

Lundi, minuit.
Je me réveille sur le pont, lors du trajet de retour de mon sauvetage. Mes yeux s'ouvrent et je vois Montréal reluire dans le fleuve. C'est beau. La nuit est claire. Je reviens à la maison avec mon bel amour et la ville brille de toutes ses lumières artificielles ! Il fait chaud et humide, l'air s'enroule autour de moi, la ville reprend possession de son enfant perdue. Qu'elle conne j'ai été de croire, l'espace d'un été, que je pourrais définitivement la quitter pour aller m'installer à jamais au Pays des couchers-de-soleil, là où l'air est sain et où les renards se balladent au petit matin !

Mardi matin, en route pour l'hôpital.
Le métro est un mini-labo d'échantillons d'humains. Je descends station Pap' et je croise un punk gai (?!!), un monsieur habillé en capitaine avec une énorme moustache blanche, une fille d'environ 13 ans avec (déjà) deux enfants, un monsieur veston-cravate lifté-botoxé et une drag. Je n'ai jamais autant aimé l'humanité que ce matin-là, en sortant du métro, les yeux éblouis de lumière et le smog qui me pénétrait les poumons à fond à chaque respiration ! Tous ces gens qui essaient de cohabiter ensemble sur ce territoire, qui veulent se trouver, trouver leur place. Être heureux. À tout le moins ''être eux'', vivre leur vie. Des fois trop fort, des fois traînant un trailer géant de blessures. D'autres fois pleins de lumière et d'amour, de rires et de couleurs, et puis pour certains silencieusement et presque sans un battement, déjà une ombre.
J'ai pris mes prises de sang, j'ai pissé dans un contenant et je suis repartie, sens inverse.
Tous ces gens qui se pilent dessus et qui veulent juste exister. Malgré le bruit, l'odeur de la multitude et à travers les rêves pétés qui jonchent le sol. Moi, ce matin-là, j'était en amour avec ma ville et sa pauvre humanité, je crevais d'amour pour cette masse qui essaie si fort d'être quelque chose, va savoir quoi.
Je suis rentrée, je me suis couchée avec les chats et je souriais en m'endormant.
J'étais de retour à la maison, Montréal, la seule ville que j'aie jamais choisi dans ma vie.

*(Pour ce qui est des travaux, j'en ai quand même mon esti de truck ! Je n'ai PAS d'élan d'amour universel pour les milliards de travaux de merde partout. Jamais. Comme dans ''JAMAIS'' !)

mardi 21 août 2012

Dormir.

Me voilà revenue à Montréal depuis maintenant sept jours.
Sauvetage-express par mon époux qui est parti travailler par un banal lundi matin, a fait sa journée, est revenu chercher la voiture et s’est claqué quatre heures de voiture pour venir me cueillir à Kamou…  puis a refait quatre heures de voiture dans l’autre sens avec moi dedans cette fois, pour me ramener à Montréal, une main chaude sur ma cuisse gauche. Il y a des amoureux qui achètent des fleurs et des sous-vêtements, le mien fait un huit heures de char en ligne pour sauver sa Belle au Bois Dormant (moi) et les chats. Rien à battre des fleurs ! Je garde ce garçon-là !
Il y a des gestes silencieux qui sont des preuves d’amour géantes.

Je suis rapatriée pour des raisons médicales. Mon corps m’a rattrapé, moi qui croyais l’oublier ou le diluer dans l’odeur de sel marin… Il a bien préparé son coup, il a attendu que je m’endorme et puis BAM ! il a mis sa cape et est revenu me déposséder. Bien sûr, je ne me suis jamais réellement appartenue, mais j’aime utiliser mon corps pour vivre à travers lui. J’aime tester ses limites, en jouer, le ressentir, toucher les autres. Mais voilà qu’il se retourne avec son masque de Vendetta et me regarde. Il se venge de quoi ?! De moi ?! De lui ???
Mon corps dort. Il est claqué, épuisé, fébrile et mou, essouflé, a le membre sans répit, est sous tension prêt à éclater et infiniment fatigué. J’ai froid. Mes cheveux tombent comme si j’étais un arbre à l’automne. J’ai perdu mon mojo, ma volonté, mes paupières sont lourdes, mes yeux se ferment… je dors (encore.)
Hypothiroïdie, hypopituitarisme, …hypophyse, …hypotension, …hippopotame, hippodrome, hip-hip-hip… PAS hourra.
Je suis une pas belle au corps dormant, une princesse endormie au milieu de ses chats, une fille qui a un système endocrinien bousillé et une vie qui s’égraine sous les couvertures.
-Salut Surrénale ! Ça baigne poupée ?!
-Bof. C’est pas les gros chars… Je sécrète pas fort ces temps-ci… Je me sens vide et triste…
-Allez ! Dr. Serri va te remonter le pompom ! Un peu de DDAVP, un peu de Cortef, tarlali-tralala, GH par-ci pour ton autre copain, Synthroïd pour l’autre en haut et puis un petit coup pour madame œstrogène et le tour est joué !
-Ouain. On va augmenter la collection et les injections je crois.
-So what ?!! Il faut ce qu’il faut pour faire rouler le moteur !

J’ai VRAIMENT besoin d’un recalibrage.

Je témoigne avec toute la violence dont je suis capable à travers les brumes de mon sommeil infini ; oui, tout cet équilibre chimique qui vous sous-tend influence votre personnalité et votre comportement. Votre VIE. Un peu trop de ceci et vous êtes agressif. Pas assez de cela et vous êtes triste à en crever. Hormones et glandes, vous nous possédez.
Pensez-y : vous n’êtes que des doses chimiques. Vous qui croyez dominer votre corps ou vos rêves, qui croyez prendre des décisions et faire des choix : votre chimie corporelle vous POSSÈDE. Vous n’êtes que sa marionnette.

Et moi, je suis un vide hormonal, un abîme chimique qui toooombe, comme Alice, dans le trou noir du sommeil qui m’habite.
Zzzzz.

La petite fille-tronc triste.

- Qu'y a-t-il petite fille ? Pourquoi es-tu si triste ?
- Parce que je n'ai pas de bras. Ni de jambes.
- Ferme tes yeux et disparaît au complet. Quand on est invisible, on n'a besoin ni de membres, ni d'extrémités.
- Oh.

jeudi 2 août 2012

Brûle.

Je voudrais boire du métal liquide brûlant, le sentir descendre dans ma gorge.
Lentement.
Je voudrais mettre le feu à mes cheveux et les sentir crépiter, fondre doucement mon cuir chevelu, dégoulinant dans mon visage.
Je voudrais m'embraser. Me purifier par le feu.
Que tout mon corps qui se consumme éclate enfin.
Je voudrais renaître de mes cendres.
Je suis un phoenix carbonisé mille fois.