dimanche 1 juillet 2012

Maman.

Juste avant de clore les aventures de Amé-la-Chauve-souris-brun-foncé, parce que le ciel est beau à en gémir ce soir et parce que je reviens doucement du côté des vivants (et que je voudrais qu'on me laisse tranquille pour vivre ce bout-là, renaître et se (re)connaître ça exige un peu de silence et d'espace...) bref, pour tout ça, je ferai un dernier monologue avant de quitter la scène.
Théâtre de la maladie.
Je veux changer de personnage. J'en ai marre de jouer à crever. J'en ai ras-le-pompom d'éplucher mes peaux, de perdre des morceaux de corps, de rejouer sans cesse le même petit drame, de rester emprisonnée dans mon putain de costume mal ajusté même quand la représentation est finie. "T'es sauvée Amé, lève-toi et marche, whatever, décrisse, dégage, the show is over, tu crèves pas à la fin, tout le monde aime les fins qui finissent bien. Pousse-toi pis fais comme si t'étais normale !"
-Oui mais je n'arrive pas à enlever ce suit-là, à retrouver mon autre corps, en-dedans ou ailleurs, dans vos yeux peut-être ?!
-Ah non. Tu gardes le costume. Tu l'enlèves, tu meurs.
-Tumeur !!! HA HA HA ! (Je sais, j'ai un humour de mauvais goût.)

Mon dernier morceau de texte dans le cadre de ce gros OSTI DE SHOW que je vous ai mis en scène est pour ma Maman.
Un dernier merci. L'ultime.
Après, les rideaux se ferment et le clown est triste.
Mais avant de terminer, finissons-en !

"Maman !"
Le premier mot que je dis post-op, de retour aux soins intensifs, après chacune de mes chirurgies, c'est Maman ! Parce que c'est toi qui entre en premier, chaque fois, qui me prend la main, ah Maman ! ta petite main froide, ta peau que je reconnais juste à la texture, Maman, tu me prends toute entière dans ta main, mon corps qui meurs tellement souvent, ma douleur, ma joie, mon coeur, et qui me dis "Maman est là, Maman est là." Je souris pour que tu ne t'inquiètes pas, même si j'ai des tubes qui sortent de partout et la tête enflée et déformée, je ne veux pas que tu t'inquiètes M'man, je ne veux pas te faire de peine avec mon corps qui fait mal et mes rêves qui décrissent. Je te souris. Je fais une blague pour que tu souris.
Chaque matin, dans ma jaquette bleu ciel, j'attends que tu arrives. J'écoute le couloir. J'attends tes pas, le son de ton corps qui vient vers moi, ton enfant brisée, j'attends à coups de prises de sang et d'injections. Quand tu arrives, je peux dormir, j'ai moins mal. Je sais que tu es là quand je me réveille. "Maman est là." Chambre de la maladie. Tu changes mes draps. Tachés même lorsqu'ils sont propres. On ouvre les stores. Tu m'aides à m'asseoir. À mettre des bas chauds. J'ai 21, 22, 30 et 32 ans et tu m'aides à m'habiller, à me laver, à marcher. Combien de fois tu vas devoir refaire ces gestes-là M'man ?! Tu m'aides à marcher comme si ce n'étais pas grave, encore, avec tellement d'amour que ça me fais mal dans la poitrine quand j'y pense. Qu'est-ce que je te fais traverser Maman, merde ?! Tu me regardes avec tes beaux grands yeux noisettes, bordés de millions de grands cils (...que t'aurais pu me donner à moi ou Myl ! Mais non ! C'est Sam qui a hérité de tes yeux de biche !!!) et je sais alors que je vais y arriver, que je vais encore traverser tout ça. Tu partages ma souffrance, mon petit désespoir de bébé-lala, mes deuils. Tu regardes ton premier bébé se démener pour rester en vie et tu as cette force, cet amour qui me tiens, qui me garde du côté de la lumière. Tu m'as portée tant de fois Maman, trop pour un seul enfant. Une fois né, il faut arrêter de recommencer de revenir au monde.
J'aurais voulu dire quelque chose de simple et de lumineux et voilà que je te ponds un texte mouillé et mélo.
J'essaie de te dire MERCi Maman. D'être là. De ton amour infini de Maman au coeur tendre et guérisseur. De ta confiance dans la vie. De mettre ta vie en suspens et de tout lâcher pour passer tes journée avec ton enfant (encore !) malade. De rester et de me tenir la main même quand je dis que je n'ai pas besoin de toi. De m'aimer comme une Maman, comme je ne saurai jamais aimer.
Merci Maman.
Je te dois la vie, toutes mes vies en fait, et je veux que tu saches que tu es un humain magnifique. Et qu'au final, au seuil de la mort, (ou sur une civière avant une chirurgie au cerveau !) tout ce qui compte, c'est l'amour. Et tu es pour moi un exemple et une voie sur ce chemin-là.

Je t'aime Maman.


Amé se retire.
Fin du dernier acte.
Rideaux.

p.s. Maman, va chercher tes lunettes !

p.p.s. Je suis d'une reconnaissance infinie pour mon mari, mon Papou, mon frère, ma soeur et ma grand-maman (...) aussi. Je vous remercie et vous aime de tout mon coeur... Mais je voulais décerner "l'Étoile du Match" à Maman !

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