mercredi 25 avril 2012

Le Masque

(Pas de chronique non-scientifique sur les chauves-souris. J'ai autre chose au programme aujourd'hui...)

8h. du mat', radio-onco hop Notre-Dame, au 5e sous-sol, dans la Bat-Cave. Tous mes traitements seront là. Sous terre. Faut cacher creux les malades.

D'abord, ce matin, on fait le masque.
Je m'allonge sur la mince table du scan, on ajuste le support d'appui sous ma tête et mes cervicales; il faut que ça épouse l'arrière de la tête et la lordose cervicale. Je garderai le même durant toute la période des traitements. J'ai l'appui-tête A je crois. Probablement celui pour "p'tite tête" !
Ensuite on me pique (ah ! tiens ! ça faisait longtemps ! Ça me manquait justement une bonne perforation du bras !) et on laisse le micro-cathéter dans ma veine pour injecter l'iode plus tard, lors du deuxième scan. Les techniciennes papotent, elles sont adorables, je rigole avec elles. La salle est vraiment glacée ; toutes les salles d'IRM, scan, radio sont TOUJOURS des frigo, mais ce matin je me sens comme dans le frigidaire à viande. Je n'arrive pas à me réchauffer, même en y pensant très fort.
Une des technicienne me place le masque sur le visage en parlant du spectacle de théâtre de la veille de son fils de 7 ans... C'est une sorte de thermo-plastique, ajouré comme un filet serré qui est appliqué sur mon visage. Il est d'abord mou et chaud, comme un tissu qu'on a passé sous l'eau chaude, puis il se rigidifie lentement. Les techniciennes pèsent sur mon visage pour que le masque en suive précisément la forme. Une fois le plastique durci, on l'enlève et on continue la rigidification 2-3 minutes dans l'eau froide. Ensuite, une des technicienne me le met sur la tête et le barre sur les côtés. SCHCLAC ! SCHCLAC ! ...Je ne m'y attendais pas, je ne savais pas, personne ne m'avait dit... Le masque de plastique une fois froid est dur et enserre fortement ma tête. Mon visage est complètement écrasé en-dessous. J'ai l'impression qu'on me momifie live, comme le masque d'or de Toutankhamon (en beaucoup moins muséal) et que je manque d'air. Je conseille à toutes les personnes claustrophobes (et ouf ! pour moi, je n'en suis pas !) de ne pas faire de radiothérapie à la tête... Je marmone (coincée sous ma cagoule de plastique dur) "hum ! Pas le fun les filles. Je savais pas..." Une des filles me tiens la main et me dit que "ça va bien aller"... combien de fois on m'a dit ça depuis ma première tumeur, combien de fois on se le fait dire quand on est malade ?!! ARRÊTEZ ! ÇA NE VA PAS BIEN. C'est pour ça que je suis là. JE. NE. VAIS. PAS. BIEN.
Fuck.
Elle est quand même très gentille. Elle me dit de respirer lentement par le nez, que je peux entrouvrir légèrement les lèvres (2mm. c'est léger en criss) pour respirer et qu'il n'y a pas de danger. De leur faire signe avec la main si je ne suis pas bien, elles seront dans la salle juste à côté pendant les scans, elles me voient par la caméra. Pas moi ; je dois fermer les yeux quand je suis embarrée sous le masque.
Je lève le pouce. Je déglutis ; le mouvement de ma gorge accroche sous la pression du masque. Note à moi-même ; ne pas déglutir "trop fort" (y a-t-il des niveaux variés d'intensité d'avalage de salive ???) ça m'écrase la gorge. Je respire doucement par le nez en me concentrant. C'est important que je sois écrasée sous le masque ; il doit m'immobiliser pour que ma tête soit toujours EXACTEMENT positionnée de la même façon à chaque traitement.
La table glisse vers l'intérieure du scan ; au moins dans le scan il fait plus chaud ! Première séance, bgiiit, bgittt, bgitt ! Je focusse sur ma respiration. En tant que fille-crocodile à sang froid avec mes habituels 57 battements\minutes, je suis capable de descendre ça encore un peu si je me concentre bien ! J'imagine mon corps enveloppé de lumière dorée, violet, bleu profond, vert... Je respire doucement, je visualise les couleurs. C'est un peu ésotérique, je sais, mais c'est ce qui me vient quand je dois plonger en moi et atteindre mon espèce de "zone arc-en-ciel". J'ai besoin d'aller là pour traverser ce que vis mon corps, pour être dedans et à l'extérieur en même temps, sinon c'est insoutenable.
Fin du premier scan.
Translation vers l'extérieur. Ddgguuuut.
On m'injecte le liquide de contraste. Immédiatement, ça fait hyper-chaud dans la gorge, dans le ventre et dans le kiki. Comme du thé brûlant dans les veines. Ce n'est pas la première fois que j'ai une petite dose d'iode qui me traverse donc pas de surprise pour mon corps. Et vu le "pas-de-chaleur" des lieux, ce n'est pas désagréable ! Deuxième glissade dans le ventre du scan, deuxième séance pour ajuster les points d'entrées lors des futurs traitements. Bgiiit ! Bgiiit !
Évacuation de mon corps vers l'extérieur.
Fin du tour de manège pour Amé. Elles enlèvent le masque (fuck yeah !!!) et je me relève.
On enlève le machin planté dans mon bras, petit nuage ouaté au creux du coude et hop-là ! je me pousse de là. Mon bel amour m'attendait. Je dis "ça c'est pas le fun. C'est pas le fun pantoute." Il me prend dans ses bras sans rien dire et me serre fort. J'ai un peu envie de pleurer.
Je vais me reclaquer les écrabouillages massifs de face pendant vingt minutes chaque jour pendant les six prochaines semaines. J'ai un petit travail de respiration en douceur et d'enveloppements de couleurs à faire d'ici là !
François me regarde et rit de moi parce que le masque m'a fait une peau pleines "d'écailles" en relief. Il dit "là t'es vraiment la fille-crododile !" *(photo de Amé-peau de croco à venir éventuellement...) Je pars à rire. Je veux bien être la fille-crocodile pour traverser ce qui s'en vient. Un croco, ça a la peau épaisse et ça bouffe des gens tout cru ! Ouais. Ça, ça me tente !

Premier traitement mercredi prochain, le 2 mai, 9:05h. Top-chrono.

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