lundi 10 décembre 2012

fear.

J'ai peur. À chaque putain de jour de ma vie, j'ai peur.
Je marche jusqu'au métro, vingt minutes de Peur. Ça va bien aller, relaxe Amé, c'est fini, respire, ça va bien aller, ça va bien aller, ça va bien aller, ça va bien aller... Arrivée au métro, ça va bien aller ne veut plus rien dire. C'est juste une série de mots abstraits. La Peur me mange le coeur. Mon sang coagule de peur. J'ai du poison dans les veines, je respire des fumées toxiques, mon cerveau est possédé, cortisone dans le tapis, je crève en marchant, je me solidifie, je me désagrège, je m'évanouie, je suis un automate, une poupée vaudoo, un fantôme, une morte-vivante. J'ai un maléfice. L'angoisse goûte le métal au fond de ma gorge. Je pogne les nerfs "arrête Amé ! T'es là ! T'es en vie ! TA GUEULE ! Profite, enjoy, avance, savoure, vis fort, respire, cours, baise, ris, ris, ris, TA GUEULE, ARRÊTE. Vis".
Est-ce que ÇA va revenir ? J'ai pas envie de mourir oh mon Dieu je veux tellement vivre que ça me fait mal dans ma tête.
Osti que j'ai peur.
Je demande des années de vie pour Noël, parce que bon, il y a bien une étoile quelque part qui répond aux voeux, non ?!!
-Non.
-Je sais. Fuck.

lundi 1 octobre 2012

Coupable votre honneur.

Je reviens de l’épicerie en voiture. J’écoute mon dernier cd, Divine Fits, la vie est bonne, les rues luisent d’une petite pluie d’automne qui a cessé, le soleil sort un rayon ou deux. Je souris.
Puis je dé-souris. (Je le sais que c’est un mot que je viens d’inventer, qu’on dit pas ça « dé-souris ». C’est chiant la vie si on peut même pas se créer un mot ici et là quand ça nous chante. Je suis un être créatif, laissez-moi inventer des affaires et foutez-moi la paix ! Non mais.)
Bon.
Ah oui : je dé-souris soudain parce que je vois un camion de pompier qui pétille de toutes ses lumières stationné devant… mon appart ??? « Oh merde merde merde merde merde. Oooooh fuck. J’ai laissé quoi d’allumé ? Pas le four. Ma bouilloire ? MA BOUILLOIRE A EXPLOSÉ ! Oh mon Dieu. Ma bouilloire a pété et a créé une suite de minies explosions qui ont foutu le feu à l’immeuble. (Ah non : ça flambe pas.) …Les CHAAATS ??? Oh putain les chats, j’ai laissé les chats dehors ? Je les ai enfermés ? J’ai fait quoi avec les chats ? J’ai provoqué un drame. Encore. Osti. De. Criss. C’est teeeeeellllement l’histoire de ma vie… Aaarrrggg : une AMBULANCE EN PLUS ???...» (Et ainsi de suite, avec une angoisse qui tourne à toutes vitesses dans ma poitrine.) Je suis COUPABLE. Jusqu’à ce que j’arrive à l’intersection tout près de mon appart et que je constate que les camions sont stationnés devant un autre immeuble, un peu plus loin. Qu’une personne âgée sort, bien ficellée sur une civière. Je ne vois pas son visage à cause du masque à oxygène. Ils embarquent le paquet, clac-clac, les portes se ferment et en voituuuuuure. Direction hôpital ou le ciel ?
Je viens tout de même de vivre un drame majeur dans mon avant-midi. En trois minutes, j’ai été coupable puis innocentée.
Si je cherche bien, ou si j’attends, tout simplement, je serai sûrement coupable de quelque chose d’autre. Je vis avec ça depuis toute petite : une éponge qui se gonfle dans ma poitrine et m’écrase le thorax. Entoure mon cœur. C’est de MA faute. C’est à cause de moi… Et dégonfle, se rabougrit, sèche un peu, mais jamais complètement.
Même qu’en cherchant un peu, c’est probablement de ma faute si la vieille de l’autre côté de la rue a fait un tour d’ambulance ce matin. Un genre d’effet papillon. Je suis un déclencheur de catastrophes, un vortex à badluck. Je porte la poisse. Restez loin de moi. Sinon, tant pis, je vous aurai avertis.

Ma maladie, c’est de ma faute. Je ne sais pas encore exactement pourquoi, mais c’est MOI qui me donne ça à moi-même.
Chaque jour de ma vie, j’ai une pression énorme. C’est ma faute si ma mère est triste. C’est moi qui a causé cette colère chez mon père. Je déçois telle personne. J’ai rendu ma grand-mère malade. Je n’ai pas réussi à complètement réparer tel client avec mon massage thérapeutique : coupable…
J’aurai dû.
Je devrais.
Je n’ai pas fait ça.
J’ai oublié ça.
Ça, c’était VRAIMENT évitable ; pourquoi j’ai pas prévu le coup ?!
Je suis ça : c’est à cause de moi.
Je ne suis pas ça : c’est ma faute.
Il arrive cet horrible truc ; c’est moi qui a provoqué tout ça, d’une façon ou d’une autre. Peut-être indirectement ?...

À tous ceux qui m’ont déjà détestée ou accusée de quoi que ce soit, ne perdez pas votre temps. Je le fais déjà. Mille fois mieux et plus profondément que n’importe qui d’autre.
Et maintenant. Je me sens coupable de me sentir coupable, I guess.
(Et rassurez-vous : je n’aurai pas d’enfants… Non mais t’imagines ?!! Avec des enfants ! Comme au scrabble : culpabilité compte TRIPPLE !!!)

vendredi 28 septembre 2012

Moi. Pis les autres.

Les autres aiment de moi quelque chose que je ne suis pas.

J'imagine que tout le monde est pogné avec ça : ce que les autres perçoivent et ce que l'on est vraiment. Le clash entre les deux, surtout. Ne pas tomber dedans. Ajoutez à ça le putain de Secret Garden, qui change la donne, parce qu'eux n'ont pas accès à territoire-là. Ils n'ont pas toutes les données pour vous recomposer et vous définir. Les projections des autres sur vous. Le désir ou la haine qui teinte le regard. La chimie hormonale des corps. Tout ça. Et beaucoup plus.
Il y a des gens qui aiment ce reflet d'eux dans les yeux des autres, qui se définissent par lui. Qui existent dans les autres. Par les autres.
Moi je sais pas. Je ne suis pas certaine que j'aime ça.
Je sais seulement que les autres voient un corps qui n'est pas moi. Et que ce qu'il y a dedans est mystérieux même pour moi.
(C'est compliqué, hein ?!)

vendredi 21 septembre 2012

Californi(cation.)

Début septembre. Je suis allée dans le désert. En Californie.
Il n'y a plus de hippies en Californie. Pas de fleurs dans les cheveux. Quelques surfers boys. Des filles avec des gros seins et des cheveux longs. Les américains sont gentils. Les américains sont un peuple qui a besoin d'être aimé.
Je voulais "faire de la plage." Entendre gronder les vagues, FfRRrrusssshhhhh... FffrrrRuuussshhhh... Dormir au soleil, mon nouvel ennemi de fille-chauve-souris. Ne penser à rien. Me baigner dans l'eau salée et guérisseuse de la mer et avoir la peau qui goûte le sel à la fin de la journée. C'était ça mon plan.
Mais bon, je vis avec un garçon qui est parfois comme traversé de spasmes d'imprévisibilité. Je l'aime comme ça. Alors le deuxième jour, il a dit :
- On va voir le Grand Canyon !
- Mm... O.k.
- O.k. !!! Yes !
- ...Non mais attend. On aura pas le temps. C'est à combien de temps le Grand Canyon ?
- C'est sûr qu'on va faire un "petit détour" par l'intérieur des terres... Mais on monte comme ça, on va à San Francisco pis on redescend par la côte ! Pis après tu vas faire de la playa !
- Mouain. C'est sûr que tant qu'à être ici ça serait con de pas y aller... Mais c'est trop short, F. On reviendra faire JUSTE le Grand Canyon un jour...
- Ouain.

(...)

(Moi) :
- Oui mais c'est combien de temps jusqu'au Grand Canyon ?
- Pas long ! Genre 6 heures... Ben... plus 8...
- Criss. On laisse faire. On garde le plan initial. Faudrait passer une journée complète à faire du char !
- Ouain. O.k.
- O.k. ?!
- Ouain...

Comme PLUSIEURS autres choses dans ma vie, je ne sais pas trop ce qui s'est passé... Deux jours plus tard, on était en direction du Grand Canyon avec The Barr Brothers et Patrick Watson.
On a campé dans le désert entre les rochers comme des crânes gigantesques fondus et empilés de Joshua Tree Desert, on est tombé sur le cul en arrivant en haut de la falaise de 2 km du spectaculaire-MONSTRUOFABULOUS Grand Canyon et on a traversé pendant des heures Death Valley. Qui porte bien son nom.
Je suis allée en Californie et j'ai rencontré le Désert.
C'est une révélation physique. Le désert, ma révolution.
C'est un lieu où la vie est survie, la mort est dans les roches, les formes, la température, l'air asphyxiant qui brûle la gorge et alourdit les corps. Tout est dur et sec. Le désert se fout de nous.
J'avais besoin du désert à ce moment précis de ma vie.
Debout, surplombant la vallée du Grand Canyon, j'étais aspirée vers le bas. Les cheveux dans la face à cause du vent qui vient des gorges. La roche rouge sombre. Tout ce vide vertigineux qui répond au mien, qui le prend et le berce. Toute cette immensité qui m'avale toute crue et qui me recrache dans l'espace. Je flotte au-dessus du désert comme un aigle à tête blanche. J'ai envie de crier et de pleurer.
J'étais fascinée. Hypnotisée. Mes yeux se fermaient de trop de lumière, tout ce ciel.. Je n'ai jamais vu une si magnifique absence de tout. Death Valley : une vallée de sable, des roches. Des montagnes arides, énormes, comme une aile ouverte vers le ciel. Sec, sec, sec. Mort. J'étais enfin remplie de vide et de silence.
Brûlure de l'air. C'est si chaud.
Le désert m'a redonné un souffle. Peut-être qu'il m'a cautérisée ?

Constat final : j'ai fait 2 jours de plage sur 12 jours de voyage.
Mais j'ai rencontré le Désert.
Ma révélation.

mercredi 29 août 2012

Grosse chenille molle en hiver.

L’IMPUISSANCE.
J’attends mon corps qui dort. Mes cheveux piquent mon visage et je ne les tasse pas, je garde les yeux fermé et je m’entortille un peu plus dans les couvertures. Je crève de chaleur mais je m’enroule dans un cocon. Mon corps est encore en mutation. À force de muer et de m’éplucher, à force de perdre des peaux, je n’ai presque plus rien. Des muscles rabougris et un système endocrinien détraqué. Un cœur en marshmallow qui bat trop lentement et des yeux qui ne veulent plus s’ouvrir par en-dehors.
J’ai chaud. Je frissonne.
Mon corps traverse une autre saison en hiver. Ma millième.
Le souffle froid de l’hiver qui entre dans la poitrine et gèle les poumons, qui colle les cils, qui fait craquer les arbres de frette. L’hiver dessèche, le ciel est blanc et je ne sais plus où commence le champ et où fini le ciel. Le vent brûle la peau. Le froid. La lenteur. Le poids de la neige. La lourdeur infinie de l’hiver dans mes membres.
Les flocons sont des corps suspendus et légers ; je veux devenir un flocon et danser moi aussi.
Toutes mes chirurgies… tombée endormie ; hibernations le temps d’une exérèse. Chaque fois ça me prend toute mon énergie pour sortir de l’hiver qui me gèle jusqu’au milieu des os, des glaçons sur mes rêves qui éclatent en petits morceaux.
Chaque fois en radiothérapie, le masque, c’était mille tonnes de neige sur mon visage.
Je ne veux plus avoir froid. Je ne veux plus être en dormance.
L’attente des jours plus lumineux.

J’ai vu Dr. Serri mardi matin et j’y allais comme on va voir un grand spectacle de magie ; j’avais mis tout mon corps et sa chimie zinzin entre ses mains de syrien et j’y allais fébrile et gonflée d’espoir. Je voulais qu’il fasse un beau tour de magie avec mon corps. TATADAM ! Toute la grosse guimauve sans mojo que je deviens est disparue ! TADADAM ! Je fais réapparaître Amé, celle d’avant, avec son corps vivant et vif, son rire et son pétillant de 7-up, sa fougue. SON ÉNERGIE.
Il n’y a pas eu de représentation.
L’ajustement sera long. C’est que c’est précaire cet équilibre chimique qui nous détermine.
Verdict de mon Magicien d’Oz : ce que je ressens, toute cette lourdeur qui aspire ma volonté, qui paralyse mon corps, cette lassitude, cette Amé que je ne connais pas et qui vit en moi, eh bien voilà, tralali-tralala, ce sont les contrecoups de la radiothérapie… CE SONT LES CONTRECOUPS DE LA RADIO  ?!!!! LÀ ?! MAINTENANT ??? Non mais QUELLE CONNE JE SUIS. (Si j’en avais eu l’énergie, je me serais  tapée la tête dans le mur !) …Oh oui, il y aura bien des réajustements hormonaux dans la prochaine année, (il faudra d’ailleurs se fréquenter avec plus d’assiduité… « aux deux mois je veux vous voir Mlle Pellerin, avec prises de sang et suivi endocrinien serré »…) Mais moi je ne veux pas me faire tirer du sang et pisser dans des bidons ! Je veux un printemps dans mon sang ! Je veux être un arbre plein de sève qui monte et qui descend et qui jute, je veux enrouler mes racines jusque de l’autre côté de la Terre et attraper des chinois avec, je veux percer le ciel et empaler de tendres nuages, je veux être un arbre-MONSTRE !!! Pas juste une morte-vivante qui marche dans la neige, les lèvres bleues et le cœur frette.
J’attendais de sentir les moteurs gronder, mon corps se remettre en marche. Vivre. ViiiiiiiiiiiiiiiiiiiVRE criss. Avancer. Je croyais avec naïveté que tout ça était derrière moi… la chirurgie, la radio, le corps malade. Je croyais vraiment que j’étais guérie. Oh. Quelle conne. Bien sûr. Ce n’est JAMAIS fini.
À retardement, la radio me rattrape. Mon corps est mon cul-de-sac. Pouet-pouet-pouet. Le magicien a sorti un lapin mort du chapeau.
Je voudrais tant que tout ça arrête. Je veux retrouver mon « pétille-de-fille ».

Souvent, depuis quelque temps, je rêve que tout ça ne m’est jamais arrivé. Les tumeurs, les chirurgies, les deuils, les pertes, les morceaux de corps amochés-déformés-enlevés-rajoutés-morts, la radiothérapie, la violence du corps, le cœur qui pleure.
Je n’ai plus d’énergie pour porter cette énième métamorphose.
Je suis fatiguée fatiguée fatiguée. Je pourrais dormir des millions d’années et ne plus m’éveiller.
Mon corps est si lourd.
Mon corps m’emprisonne.
Je suis un monstre mollasson. Je n’en veux pas de ce corps-là.
Je veux être un putain de papillon, moi.


Bon. Soyons positif : avec la saison de l’hiver vient le hockey. Avec le hockey vient le Canadien. Et avec le Canadien il y a P.K. Subban (reste P.K., reeeeessssste !) 
Comme quoi tout n’est pas (encore) pourri !

jeudi 23 août 2012

Montréal.

Quand je suis partie à Kamou en juin, après mes traitements de radio, j'en avais marre de Montréal.
Plein le cul des travaux, de la chaleur qui écrase les poumons, des gens bling-bling-wannabe-regardez-moi !, de l'air, de la consommation, de l'énergie de cette ville sale et belle à la fois.
J'ai rempli ma valise de robes et je me suis poussée là où le ventre du fleuve est mou à marée basse.
J'ai marché plusieurs fois dans la vase salée, j'ai jardiné, j'ai dormi, j'ai dormi, j'ai dormi... j'ai traversé des champs de canola jaune fluo en vélo et j'ai mangé à bouche-que-veux-tu tous les couchers de soleil, du multicolore au gris souris plein de pluie, du timide au grandiose. Tous. Et puis j'ai dû revenir dans l'antre du monstre à l'haleine brûlante, Montréal, toi que j'adore, toi qui me bouffe toute crue.
J'ai fait un sevrage de cette salope aux yeux doux, je croyais m'en être lavée...

Lundi, minuit.
Je me réveille sur le pont, lors du trajet de retour de mon sauvetage. Mes yeux s'ouvrent et je vois Montréal reluire dans le fleuve. C'est beau. La nuit est claire. Je reviens à la maison avec mon bel amour et la ville brille de toutes ses lumières artificielles ! Il fait chaud et humide, l'air s'enroule autour de moi, la ville reprend possession de son enfant perdue. Qu'elle conne j'ai été de croire, l'espace d'un été, que je pourrais définitivement la quitter pour aller m'installer à jamais au Pays des couchers-de-soleil, là où l'air est sain et où les renards se balladent au petit matin !

Mardi matin, en route pour l'hôpital.
Le métro est un mini-labo d'échantillons d'humains. Je descends station Pap' et je croise un punk gai (?!!), un monsieur habillé en capitaine avec une énorme moustache blanche, une fille d'environ 13 ans avec (déjà) deux enfants, un monsieur veston-cravate lifté-botoxé et une drag. Je n'ai jamais autant aimé l'humanité que ce matin-là, en sortant du métro, les yeux éblouis de lumière et le smog qui me pénétrait les poumons à fond à chaque respiration ! Tous ces gens qui essaient de cohabiter ensemble sur ce territoire, qui veulent se trouver, trouver leur place. Être heureux. À tout le moins ''être eux'', vivre leur vie. Des fois trop fort, des fois traînant un trailer géant de blessures. D'autres fois pleins de lumière et d'amour, de rires et de couleurs, et puis pour certains silencieusement et presque sans un battement, déjà une ombre.
J'ai pris mes prises de sang, j'ai pissé dans un contenant et je suis repartie, sens inverse.
Tous ces gens qui se pilent dessus et qui veulent juste exister. Malgré le bruit, l'odeur de la multitude et à travers les rêves pétés qui jonchent le sol. Moi, ce matin-là, j'était en amour avec ma ville et sa pauvre humanité, je crevais d'amour pour cette masse qui essaie si fort d'être quelque chose, va savoir quoi.
Je suis rentrée, je me suis couchée avec les chats et je souriais en m'endormant.
J'étais de retour à la maison, Montréal, la seule ville que j'aie jamais choisi dans ma vie.

*(Pour ce qui est des travaux, j'en ai quand même mon esti de truck ! Je n'ai PAS d'élan d'amour universel pour les milliards de travaux de merde partout. Jamais. Comme dans ''JAMAIS'' !)

mardi 21 août 2012

Dormir.

Me voilà revenue à Montréal depuis maintenant sept jours.
Sauvetage-express par mon époux qui est parti travailler par un banal lundi matin, a fait sa journée, est revenu chercher la voiture et s’est claqué quatre heures de voiture pour venir me cueillir à Kamou…  puis a refait quatre heures de voiture dans l’autre sens avec moi dedans cette fois, pour me ramener à Montréal, une main chaude sur ma cuisse gauche. Il y a des amoureux qui achètent des fleurs et des sous-vêtements, le mien fait un huit heures de char en ligne pour sauver sa Belle au Bois Dormant (moi) et les chats. Rien à battre des fleurs ! Je garde ce garçon-là !
Il y a des gestes silencieux qui sont des preuves d’amour géantes.

Je suis rapatriée pour des raisons médicales. Mon corps m’a rattrapé, moi qui croyais l’oublier ou le diluer dans l’odeur de sel marin… Il a bien préparé son coup, il a attendu que je m’endorme et puis BAM ! il a mis sa cape et est revenu me déposséder. Bien sûr, je ne me suis jamais réellement appartenue, mais j’aime utiliser mon corps pour vivre à travers lui. J’aime tester ses limites, en jouer, le ressentir, toucher les autres. Mais voilà qu’il se retourne avec son masque de Vendetta et me regarde. Il se venge de quoi ?! De moi ?! De lui ???
Mon corps dort. Il est claqué, épuisé, fébrile et mou, essouflé, a le membre sans répit, est sous tension prêt à éclater et infiniment fatigué. J’ai froid. Mes cheveux tombent comme si j’étais un arbre à l’automne. J’ai perdu mon mojo, ma volonté, mes paupières sont lourdes, mes yeux se ferment… je dors (encore.)
Hypothiroïdie, hypopituitarisme, …hypophyse, …hypotension, …hippopotame, hippodrome, hip-hip-hip… PAS hourra.
Je suis une pas belle au corps dormant, une princesse endormie au milieu de ses chats, une fille qui a un système endocrinien bousillé et une vie qui s’égraine sous les couvertures.
-Salut Surrénale ! Ça baigne poupée ?!
-Bof. C’est pas les gros chars… Je sécrète pas fort ces temps-ci… Je me sens vide et triste…
-Allez ! Dr. Serri va te remonter le pompom ! Un peu de DDAVP, un peu de Cortef, tarlali-tralala, GH par-ci pour ton autre copain, Synthroïd pour l’autre en haut et puis un petit coup pour madame œstrogène et le tour est joué !
-Ouain. On va augmenter la collection et les injections je crois.
-So what ?!! Il faut ce qu’il faut pour faire rouler le moteur !

J’ai VRAIMENT besoin d’un recalibrage.

Je témoigne avec toute la violence dont je suis capable à travers les brumes de mon sommeil infini ; oui, tout cet équilibre chimique qui vous sous-tend influence votre personnalité et votre comportement. Votre VIE. Un peu trop de ceci et vous êtes agressif. Pas assez de cela et vous êtes triste à en crever. Hormones et glandes, vous nous possédez.
Pensez-y : vous n’êtes que des doses chimiques. Vous qui croyez dominer votre corps ou vos rêves, qui croyez prendre des décisions et faire des choix : votre chimie corporelle vous POSSÈDE. Vous n’êtes que sa marionnette.

Et moi, je suis un vide hormonal, un abîme chimique qui toooombe, comme Alice, dans le trou noir du sommeil qui m’habite.
Zzzzz.

La petite fille-tronc triste.

- Qu'y a-t-il petite fille ? Pourquoi es-tu si triste ?
- Parce que je n'ai pas de bras. Ni de jambes.
- Ferme tes yeux et disparaît au complet. Quand on est invisible, on n'a besoin ni de membres, ni d'extrémités.
- Oh.

jeudi 2 août 2012

Brûle.

Je voudrais boire du métal liquide brûlant, le sentir descendre dans ma gorge.
Lentement.
Je voudrais mettre le feu à mes cheveux et les sentir crépiter, fondre doucement mon cuir chevelu, dégoulinant dans mon visage.
Je voudrais m'embraser. Me purifier par le feu.
Que tout mon corps qui se consumme éclate enfin.
Je voudrais renaître de mes cendres.
Je suis un phoenix carbonisé mille fois.

lundi 23 juillet 2012

Fossé.

Doucement, tout doucement, le fossé se creuse. Et nous restons là, sans bouger, les yeux baissés à regarder le sol glisser. Chacun de son côté.

Au début c'est une mince ligne. Un petit remuement de sol imperceptible juste avant. Peut-être.
Le temps qu'une ligne se dessine, puis s'affirme, notre corps se ferme, se replie sur lui-même, s'enroule comme un colimaçon. Un souffle froid sort de la fente qui grandit.
Mes mains se ferment. Je ne te donne plus. Mes yeux regardent au loin et tu n'y es plus. Mes jambes sont lourdes, s'enfoncent dans le sol de mon côté du ravin. Je ne vais plus vers toi. Je reste sur mon ilôt, toi sur le tien, nos mâchoires se crispent, les bouches se tournent vers le bas, colère ou tristesse, un peu des deux, je ne sais pas.

Nous ne savons pas quand la ligne est apparue. Un mur de silence monte de cette craquelure, se construit, brique par brique, nos non-dits le nourrissent. Malgré nos mots vides, les sons que font les bouches, les conversations en phrases mortes, il s'épaissit. Se solidifie. C'est mainenant une vitre et tu es un poisson qui ouvre et ferme sa bouche de l'autre côté. Je n'entends pas ce que tu dis, parce que tu ne dis rien. Tu n'as pas ces mots-là. Je ne bouge pas. J'attends.
Il est trop tard mainenant.
Le froid fige les mots qui dorment en toi.
Je me rigidifie. Mon coeur est un raisin sec.
On se regarde une dernière fois, de part et d'autre de notre continent, la mer se déchaîne entre nous, ...pour nous ? et à ce moment, fermant les yeux, nous disparaissons l'un à l'autre.
(Silence.)

jeudi 19 juillet 2012

mercredi 18 juillet 2012

Le Renargou

En voiture. En plein jour.
J'allais vers St-Pascal et voilà que je vois le petit renard. Il trottine sur le côté de la route, dans la section "piste cyclable". Ah ! C'est très prudent, maître renard ! Il s'en va probablement se croquer un petit lapin chez le remorqueur-éleveur de lapins, de l'autre côté de la route.
Mais petit renard, tu es si maigrichon ! Sa queue est dégarnie et raplapla. Ses pattes sont fines, on dirait des bâtons recouverts de fourrure. Son poil est terne et cotoneux. Pourquoi ne dors-tu pas au soleil, sous un beau sapinage, petit renargou ? Il est dévoré par sa propre faim. On dirait un junkie qui a besoin de son fix. Ou d'un renard affamé qui a la gueule ouverte et dégoulinante de bave à l'idée du lapineau qu'il va bouffer... Ses yeux sont fixes. Il n'a pas peur des humains.
Il crève de faim.
Et va tuer un lapin.
C'est aussi ça la vie, non ? Des carnivores qui ne dorment pas. Qui dévorent des lapins au poil doux et soyeux. Et des renards qui meurent au bord de la route par une chaude journée. Fallait regarder de chaque côté avant de traverser petit renard.

mardi 17 juillet 2012

mon ami François Lebeau

Je fais la promotion de mon ami François Lebeau qui est un être sensible, stimulant et magnifique !
Il est photographe. Il vit présentement à New York. (Il me manque.)
Il a fait un travail sur moi :
http://www.therightmoment.wordpress.com/
(Mais regardez surtout son travail photographique !)

Je lui ai demandé, quelques jours avant ma dernière chirurgie, de m'accompagner pendant la période d'hospitalisation. J'avais besoin de ses yeux pour me voir.
Par ce processus, je pouvais faire une mise à distance. Je joue avec moi, avec mon corps malade en le mettant en images. Je morcelle le drame et il existe au-delà de mon corps.
C'est une façon pour moi de ne pas me faire bouffer par les souvenirs qui ne sont que sensations, ressentis, douleurs et mémoires subjectives. Avec François et son 3e oeil magique, je peux me voir. Je peux sortir de mon corps et le regarder, comme on regarde une autre personne. Je ne suis pas submergée par l'expérience du corps malade. Je me la réapproprie.
Merci François.

lundi 16 juillet 2012

RESURRECTION !

J'écris parce que ça m'emplit tout en me vidant.

J'ai envie d'être du côté de la vie. Laisser de côté mon corps de fille-Frankenstein qui patauge dans le Monde de la Maladie et ouvrir sur cet autre truc bizarre qui habite ma tête.
Je continue donc mon blog, tout en lui assignant un nouveau mandat. (On dirait le descriptif d'une compression de poste au gouvernement !)

...Bienvenue à bord !

Je vous donnerai maintenant des chroniques vraies ou fictives, des contes étranges, des petits morceaux poétiques comme des sucres à croquer, des cris et des dessins.
Mon noyau, ma moelle, mon os.
Dévorez-moi.

dimanche 1 juillet 2012

Maman.

Juste avant de clore les aventures de Amé-la-Chauve-souris-brun-foncé, parce que le ciel est beau à en gémir ce soir et parce que je reviens doucement du côté des vivants (et que je voudrais qu'on me laisse tranquille pour vivre ce bout-là, renaître et se (re)connaître ça exige un peu de silence et d'espace...) bref, pour tout ça, je ferai un dernier monologue avant de quitter la scène.
Théâtre de la maladie.
Je veux changer de personnage. J'en ai marre de jouer à crever. J'en ai ras-le-pompom d'éplucher mes peaux, de perdre des morceaux de corps, de rejouer sans cesse le même petit drame, de rester emprisonnée dans mon putain de costume mal ajusté même quand la représentation est finie. "T'es sauvée Amé, lève-toi et marche, whatever, décrisse, dégage, the show is over, tu crèves pas à la fin, tout le monde aime les fins qui finissent bien. Pousse-toi pis fais comme si t'étais normale !"
-Oui mais je n'arrive pas à enlever ce suit-là, à retrouver mon autre corps, en-dedans ou ailleurs, dans vos yeux peut-être ?!
-Ah non. Tu gardes le costume. Tu l'enlèves, tu meurs.
-Tumeur !!! HA HA HA ! (Je sais, j'ai un humour de mauvais goût.)

Mon dernier morceau de texte dans le cadre de ce gros OSTI DE SHOW que je vous ai mis en scène est pour ma Maman.
Un dernier merci. L'ultime.
Après, les rideaux se ferment et le clown est triste.
Mais avant de terminer, finissons-en !

"Maman !"
Le premier mot que je dis post-op, de retour aux soins intensifs, après chacune de mes chirurgies, c'est Maman ! Parce que c'est toi qui entre en premier, chaque fois, qui me prend la main, ah Maman ! ta petite main froide, ta peau que je reconnais juste à la texture, Maman, tu me prends toute entière dans ta main, mon corps qui meurs tellement souvent, ma douleur, ma joie, mon coeur, et qui me dis "Maman est là, Maman est là." Je souris pour que tu ne t'inquiètes pas, même si j'ai des tubes qui sortent de partout et la tête enflée et déformée, je ne veux pas que tu t'inquiètes M'man, je ne veux pas te faire de peine avec mon corps qui fait mal et mes rêves qui décrissent. Je te souris. Je fais une blague pour que tu souris.
Chaque matin, dans ma jaquette bleu ciel, j'attends que tu arrives. J'écoute le couloir. J'attends tes pas, le son de ton corps qui vient vers moi, ton enfant brisée, j'attends à coups de prises de sang et d'injections. Quand tu arrives, je peux dormir, j'ai moins mal. Je sais que tu es là quand je me réveille. "Maman est là." Chambre de la maladie. Tu changes mes draps. Tachés même lorsqu'ils sont propres. On ouvre les stores. Tu m'aides à m'asseoir. À mettre des bas chauds. J'ai 21, 22, 30 et 32 ans et tu m'aides à m'habiller, à me laver, à marcher. Combien de fois tu vas devoir refaire ces gestes-là M'man ?! Tu m'aides à marcher comme si ce n'étais pas grave, encore, avec tellement d'amour que ça me fais mal dans la poitrine quand j'y pense. Qu'est-ce que je te fais traverser Maman, merde ?! Tu me regardes avec tes beaux grands yeux noisettes, bordés de millions de grands cils (...que t'aurais pu me donner à moi ou Myl ! Mais non ! C'est Sam qui a hérité de tes yeux de biche !!!) et je sais alors que je vais y arriver, que je vais encore traverser tout ça. Tu partages ma souffrance, mon petit désespoir de bébé-lala, mes deuils. Tu regardes ton premier bébé se démener pour rester en vie et tu as cette force, cet amour qui me tiens, qui me garde du côté de la lumière. Tu m'as portée tant de fois Maman, trop pour un seul enfant. Une fois né, il faut arrêter de recommencer de revenir au monde.
J'aurais voulu dire quelque chose de simple et de lumineux et voilà que je te ponds un texte mouillé et mélo.
J'essaie de te dire MERCi Maman. D'être là. De ton amour infini de Maman au coeur tendre et guérisseur. De ta confiance dans la vie. De mettre ta vie en suspens et de tout lâcher pour passer tes journée avec ton enfant (encore !) malade. De rester et de me tenir la main même quand je dis que je n'ai pas besoin de toi. De m'aimer comme une Maman, comme je ne saurai jamais aimer.
Merci Maman.
Je te dois la vie, toutes mes vies en fait, et je veux que tu saches que tu es un humain magnifique. Et qu'au final, au seuil de la mort, (ou sur une civière avant une chirurgie au cerveau !) tout ce qui compte, c'est l'amour. Et tu es pour moi un exemple et une voie sur ce chemin-là.

Je t'aime Maman.


Amé se retire.
Fin du dernier acte.
Rideaux.

p.s. Maman, va chercher tes lunettes !

p.p.s. Je suis d'une reconnaissance infinie pour mon mari, mon Papou, mon frère, ma soeur et ma grand-maman (...) aussi. Je vous remercie et vous aime de tout mon coeur... Mais je voulais décerner "l'Étoile du Match" à Maman !

mardi 26 juin 2012

13 jours après le 13.


C'est terminé. Depuis treize jours.
Les cinq premiers jours suivants la fin des traitements, je me sentais vide le matin. J'ai dû développer un syndrôme de Stockholm envers ma radiothérapie ! Ma maman était repartie. Ma routine, même horrible, me manquait. Je n'étais plus en mode survie. Je n'avais plus de contraintes. Ils en avaient fini avec moi, on me retournait à la maison, ciao poupée, ferme ta gueule et guérit. Toutes ces mains qui me touchaient, me manipulaient, me palpaient ne veulent plus de moi. Elles tripotteront d'autres corps, moi je suis sauvée. Je ne me rappelle plus comment faire pour vivre sans avoir mal quelque part. Je ne sais pas quoi faire de toute cette vie qui m'attend. Je suis si habituée à vivre un jour à la fois, et voilà qu'on me redonne un espoir de futur et un corps, amoché et vidé, mais une carcasse d'humanité quand même. C'est tellement moins intense, la vie, quand on n'est plus en danger. Quand le monstre nous recrache. J'en oublie presque que c'est moi le monstre, l'être recousu et dysfonctionnel. Des fois, je m'ennuie de cette imminence. De ce précipice sur le bord duquel je dansais. Je danse moins bien sur le sol ferme.
Réapprendre mon nouveau corps. Recommencer. Encore.
Merci à toutes les personnes qui m'encouragent, qui me disent 'bravo ! Tu as traversé tout ça ! C'est terminé ! OUf !', qui m'accompagnent dans cette étrange contrée. Ce que je vais vous dire n'est pas triste, c'est la réalité, et j'aimerais bien qu'on soit tous au diapason sur ce point. C'est important de comprendre ceci : ce n'est pas terminé. Il n'y a jamais de fin. Il y a toujours un lasso qui tournoie autour de moi, prêt à m'enlacer comme une brebis, pour me jeter à terre. Encore. Vous aussi. Seulement, vous ne savez pas dans votre CHAIR. Profondément. Ça n'empêche pas d'être heureux. Au contraire. Ça permet de vivre encore plus fort. Avec lucidité.

Mes cheveux tombent et j'ai de petites zones de toundra autour de mes oreilles. Cheveux rares et minuscules. Ça semble vouloir grimper en mettant mon cuir chevelu à nu. Comme un feu de forêt qui gagne du terrain. J'espère un Cesna sur cette zone de cheveux qui meurent. Une potion "opération beurre de pinottes". Que ça cesse.
Je suis à Kamou, lieu de regénération.
Je jardine, je dessine (juste des têtes sans corps, des têtes flottantes aux yeux fermés), j'entretiens mon feu avec une belle braise (il fait quinze degrés !!! J'ai peur que les chats recommencent à se faire un poil d'hiver !) et je descends au fleuve à tous les jours. Je fais une collection de ciels, de roches d'intérieur et de moustaches de chats. Je prends beaucoup trop de bains par jour et je fais du vélo. Programme d'une fille-papillon qui fait repousser ses ailes.
Je dors. Je dors. Je dors. Trop ?
J'ai hâte de retrouver mon corps d'avant, tout en sachant pertinement qu'il est perdu\foutu à jamais.
"FOU-POU-DA". Foutu-Pourri-d'avance.
Je suis étrangement bien ici. Toute seule avec mes chats-ligators, les ciels mouvants et le fleuve.
Je suis heureuse d'être en vie. Même si c'est du temps emprunté. Je veux bien vivre en sursis. Mais je ne veux pas vivre à moitié. Même la douceur et la sérénité, ça peut être entier et intense.

Ce matin, tout était enveloppé dans un nuage en cotton ouaté. Une brume dense et épaisse, lourde, qui frôlait la pelouse et léchait le fleuve. On ne voyait qu'à 15 mètres environ. C'était bizarre ; même la sensation de mon propre corps semblait différente. Je me sentais diffuse et sans contour. J'avais le corps flou et immatériel... Je regardais dehors en faisant niaiser les chats qui miaulaient comme si ça faisait huit jours qu'ils n'avaient pas eu de croquettes (ils refont le même sketch chaque jour. Je n'y crois plus... Je prends donc le temps d'absorber le paysage chaque matin avant de commencer une autre journée dans le Monde des chats !) Soudain, vif comme l'éclair, j'ai vu le petit renard blondinet de Kamouraska. Il est nerveux et maigrichon et sa queue manque de vavoum. Il a traversé la brume comme une apparition et est descendu vers le fleuve. Sale temps pour les renards. On a des problèmes de cheveux, le renargou et moi. On a la touffe dégarnie !
Je suis descendue, j'ai nourri le feu et les félins au seuil de l'inanition et puis je suis partie à la pluie battante m'acheter un beau rosier rustique, mon premier rosier à vie, qui pique et qui fait saigner le bout des doigts.
Ça m'a fait beaucoup de bien.
Je dirais même que ça m'a rendue heureuse.

mardi 12 juin 2012

Demain.

Demain matin, mercredi 13 juin, 8:10h., j'aurai mon trentième et dernier traitement de radiothérapie.
Ma dernière journée de chauve-souris à visage de crocodile.
Ma dernière glissade dans le fourneau à cerveau.

En fin de semaine, à Kamou, alors que je jardinais à pleines mains comme s'il n'y avait plus de lendemains, le Héron est passé au-dessus de moi trois fois.
Au couchant du soleil, je suis descendue le voir sur le bord du fleuve.
Les roches étaient encore tièdes de soleil.
"Merci Héron d'être là."
"C'est pas fini après mercredi la P'tite."
"Oui. Je sais. C'est jamais terminé."
"Tu connais le dicton tibétain hein ?!"
"Ouai ; dis-moi ton épreuve, je te dirai ton enseignement."
"Fais confiance o.k. ?!"
"O.k."


mercredi 6 juin 2012

up... and down...

Conjonctivites.
J'incarne l'expression "les yeux injectés de sang." C'est franchement plus joli en littérature qu'en vrai.
J'ai un cerne qui descend plus bas chaque jour, les paupières irritées et j'ai l'air de pleurer. Mais j'ai les yeux infectés. Ne pas mélanger la tristesse et l'infection.
Je vais voir une spécialiste en ophtalmo demain pour traiter mes yeux rouges de lapin.
Ma médecin en Radio-Onco a dit que c'était normal ce suintement et ce gratte-yeux, suite aux traitements de radio qui chatouillent mon nerf optique. Eh bien mon nerf optique m'emmerde. Il n'aime pas être taquiné par irradiation. Mes yeux manquent d'humour parfois !
Il y a un banc de sable sous mes paupières, j'essaie de diminuer mes clignements de yeux, c'est assez utopique je sais, mais quand vous réfléchissez avant d'effectuer tout mouvement avec votre paupière supérieure et que vos yeux coulent doucement jour et nuit depuis 13 jours, en ce qui concerne l'appareil occulaire (comme on dit) : ça chie dans le ventilo !
Mouaip.
À suivre.

Ils me font mal partout ailleurs à force de vouloir me sauver. Il brûlent un site vide. Ils calcinent une chambre noire. Mon oeil droit et son copain, oeil gauche, se vengent.
(J'ai d'ailleurs une théorie personnelle sur ce qui fait rouler l'humanité depuis la nuit des temps ; la vengeance. Pensez-y deux minutes. On s'en reparlera un jour.)
Voilà mes yeux qui s'y mettent, terrorisme ophtalmique.
Eux aussi en ont marre. Moi je ne suis que le territoire, la terre brûlée.
"Faire du mal à trop vouloir faire le bien." C'est ce qu'on dit, non ?

C'est juste que des fois, je suis fatiguée À L'INTÉRIEUR de moi, profondément. Plus creux encore. Là où le corps se fond dans l'esprit. Point de jonction épuisé.
Comme aujourd'hui.
Mes yeux rougis pleurent leur infection et piiiiiiiiiquent. Ne touche pas Amé, ne gratte pas !Aaaarrrgghhh !!! Et je me regarde dans le miroir. Je suis moche. Vide. Vide. Vide. Je me demande pourquoi je fais ça.
Je ne serai pas plus forte pas plus sage pas plus consciente pas plus libre.
Au contraire. Je goûte chaque perte, chaque deuil, et puis je l'avale. Ça descend dans mon ventre et un jour je vais pondre un oeuf luisant et noir. Je couve. J'avale. Je mange "sucré" pour aider la médecine à couler !
Mais pourquoi je fais tout ça chaque jour ?

J'enlève un oeil en tirant délicatement, puis l'autre. J'enroule leurs nerfs optiques.
Je dézippe ma peau jusqu'en bas, je sors de mon enveloppe. Je retire ma tête et la dépose à côté. Je place mon cerveau dans un bol d'eau sucrée. J'enlève ensuite méthodiquement chaque muscle, puis chaque os, en les empilant de façon ordonnée au sol, en petits tas. Je tire sur mon système circulatoire et je laisse le sang se vider dans l'évier. Je roule mon système nerveux bien serré et je l'attache. Mes organes tombent par terre dans un grand SPROUTCH ! synchronisé et visqueux. Quelque part, ma bouche sourit.
Je suis un esprit vif, léger.
Un grand vent souffle soudain et mon esprit s'éparpille dans mille direction. Je suis éclatée et LIBRE !
J'aimerais sortir de mon corps pendant une journée. Une heure... Quinze minutes ?!! Que ça cesse. Donnez-moi un petit temps d'arrêt.

lundi 4 juin 2012

hibernation

Jeudi dernier, c'est arrivé.
Que s'est-il passé dans la nuit de mercredi à jeudi ? Ai-je franchis une ligne pointillée invisible ? J'ai traversé de l'autre côté, dans une autre saison, la cinquième. Et elle est lourde, froide et lente, quoi qu'en chante Harmonium...
PAC ! Jeudi il y a une graaaande fatigue qui m'enveloppait à mon réveil. Je me suis couchée à 33 ans et j'avais soudain 88 ans (au moins !) lorsque je me suis réveillée.
Loooouuurrrrde fatigue. Qui tire vers le bas. Tes paupières sont looouuurrrrdes (et infectées de conjonctivites dûes aux traitements, quel supplément charmant !) Tu t'endors. Tu dors.
J'ai alors débuté un chapelet de longues siestes. Dont je me réveille épuisée.
Je veux dormir jusqu'à la fin, comme la Belle au Bois Dormant.
Un doux matelas perdu dans une forêt tranquille, sous une coque de verre... (Ou plutôt de bois, parce que bon sous le verre je cuirais et j'en ai assez d'être en mode cuisson !)
Je pourrais aller à mes traitements totalement inconsciente ; en tant que bucolique somnambuliste forestière.
Je m'éveillerais doucement, à la toute fin, reposée, les joues roses et les cheveux un peu aplatis d'un côté et je m'étirerais. Hummm. Ça sent bon l'hummus et la petite perdrix ! Puis, je marcherais vers la ville, son vacarme, ses millions de lumières qui ne s'éteignent jamais même en plein soleil, ses gens indifférents, blessés, morts-vivants, ses odeurs superposées, son smog qui recouvre tout comme une couverture anxiogène et son rythme de vie tachycardiaque.
Finalement, après une légère réflexion, je contourne la ville et je me dirige vers Kamou, les oies blanches et l'odeur salée de mon beau fleuve. Ses marées qui montent et descendent comme une respiration lente. Juste être là et regarder l'eau, le ciel, les champs, les montagnes. Cueillir des roches.
Il n'en reste plus que sept.
SEPT traitements et je me réveille...
"Sept"-épatant.
"Six"-tème métrique.
"Cinq"-cinnati.
"Quatre"-ine de Russie.
Les "Trois"-Rivières.
"Deux" testaments...
l'Ancien et le Nouveau-o-o-o-o-o-o !
"Il n'y a qu'un seul Dieu qui règne dans les cieux !" *
Mais Il fout quoi, Dieu ?!! Il dort.
Tout le monde dort.
Moi je vais aller me coucher...
Un monde entier de somnambules.

*(Pour connaître l'air de cette chanson populaire, faut appeler ma grand-mère !)

jeudi 31 mai 2012

Dernier jour de mai.

Je suis heureuse.
Avec les flaques de tristesse, les furies qui me traversent, la fatigue qui m'imbibe comme une éponge, la douleur dans ma tête roussie. Je suis heureuse avec tout ça. Mon bonheur ressemble à un biscuit aux pépites de colère, douleurs, peines, ennui... Ou un gâteau aux fruits (mais qui goûterait bon !) Un machin sucré et doux dans la bouche avec des morceaux dedans.
Ça m'a pris du temps avant de trouver cette porte secrète. Beaucoup trop de chirurgies et ma vingtaine. Je n'ai pas toujours habité au pied d'un arc-en-ciel plein de lutins et de bols géants de céréales Lucky Charms !
J'aime la vie. Je trouve ça beau avec toutes ses horreurs, ses douleurs, sa monstruosité, sa cruauté. J'aime la brutalité et la force de la vie. C'est vraiment une salope quand elle veut, mais elle m'enchante, je suis ensorcelée. Elle me possède. Aaahhh !
J'ai peur que ça cesse, des fois. Une main griffue m'agrippe soudain le coeur. Je me dis "et si ça recommence ? Et si cette fois-là je gagne pas, si ça tire trop fort par en bas ?" Ça me rouvre le ventre à l'air libre et tous mes liquides font FLOTCH par terre. Peut-être. Mais là je suis là. Je suis en vie.
Oui, oui, mais combien de vies il me reste merde, donnez-moi au moins un estimé... Même le Héron ferme sa gueule quand je lui demande. Saleté d'oiseau con !
Inspire-expire, inspire-expire.
L'odeur forte des lilas dans la nuit.
Regarde le ciel d'un bleu profond, presque noir. Les étoiles les étoiles les étoiles m'aspirent.
Inspire-expire-aspire.
Les liquides de mon corps ont soudain regagné mon corps. Je suis hermétique. Je ne coule plus vers l'extérieur dans ma chienne de retomber malade.
J'ai besoin de me battre, de gagner contre moi-même, d'avoir un petit goût de sang dans la bouche de temps en temps. J'ai besoin de me réveiller avec une peur qui me slug au ventre ; t'es en vie Amé. T'es en vie.
Ouf. C'est tellement meilleur quand on a eu peur de la perdre.
Alors mon jeu à moi c'est de me donner une solide chienne. Puis d'être submergée d'une mélasse ésotérique de lucidité, de reconnaissance et d'amour universel.
Chacun son truc.
Au moins, j'ai la pêche !

lundi 28 mai 2012

On se calme le pompom !

Mardi passé j'ai glissé dans un marécage puant, la tête dedans et les jambes en haut, mon cerveau sucé, succioné, liché de grosse langues de bouette noire. Toxique. Je sauçais dans la swamp.

J'avais le coeur sale.
La douleur physique, je m'en fous. Je peux dialoguer avec elle ; on est copine à la longue. C'est une créature qui me chevauche, je suis son destrier, sa pouliche de feu. Des grandes chevauchées qui me déchirent le crâne aux douces caresses sur ma crinière, je prends tout. Je suis capable d'aller très creux à l'intérieur de moi, dans un endroit qui ne ressent plus le mal et je galope et je me cambre et je saute et je m'envole, comme Pégase. (Mais avec une corne de licorne !) Ne vous inquiétez jamais de la douleur physique qui grignotte mon corps par en-dedans ; je vous la mets en scène comme un personnage de soutien dans mon histoire déconstruite-reconstituée, dans mon histoire vraie coupée-raboutée. Le mal qui mange mon corps est une Diva qui veut toute la place dans mon pôôôôvre petit drame, mais ne vous laissez pas impressionner. Une fois son monologue gueulé, une fois démaquillée, il n'y a rien... un fantôme, une evanescence de douleur, un souffle amer.
Inquiétez-vous lorsque j'ai la rage au coeur. Quand je repousse l'amour doux. Quand je crie les yeux fermés. Quand je suis emmurée dans ma colère, quand je crache ma fatigue enragée.
C'est épuisant tant de violence et de rage en soi. C'est égoïste aussi.
Mardi matin, j'ai glissé dans un trou noir.
Mardi soir, j'ai eu envie de me relever.

Mercredi, j'ai attaqué.
Plan de match : nettoyer la sauce noire qui m'engluait le crâne et le coeur. Retrouver mon magnifique arc-en-ciel d'amour-joy-joy-joy-intérieur ! (Hum. Trop d'épisodes des Calinours et de Ma Petite Pouliche dans mon passé peut-être ?!!..)
J'ai demandé aux techniciennes de me mettre "du Bob" pendant mon traitement. Aaah parce que oui, lors des traitements, il y a possibilité de noyer le vacarme de cette foutue machine avec de la musique. Chaque patient(e) amène ses CD's et se fait irradier sur sa trame sonore personnelle !
I wanna love you, and treat you right !...
I wanna love yoouu, every day and every night !
Traitement reggae. Du soleil dans mon cerveau. Une irradiation dansante !
Hummm !

Mercredi en après-midi je suis allée courir.
Eh oui, je cours, je danse, je bouge. Ah mais non, je ne passe pas mes journées à rester immobile dans un lit de douleurs. Je n'ai pas cessé de vivre. Pas complètement en tout cas.
Mercredi fin d'aprèm, je vais donc jogger sur le bord du fleuve à Verdun. Pink Floyd dans mes oreilles.
Juste un peu plus bas que les rapides, j'aperçois le Héron. MON Héron. Le Héron avec un H majuscule, le Seul, celui qui devient multiple, qui se divise ; il est tous les hérons et à chaque fois c'est mon Héron ! (J'ai une relation particulière avec mon Héron, dois-je le mentionner ?!!)
J'arrête. Je lui dis : "salut."
Il me regarde. Je le regarde. On fait un eye contact très intense. Il me dit : "salut. C'était pas ta meilleure journée hier hein ?! Le Dalaï-Lama aurait pas été fier de toi !"
- Ouain. J'étais fatiguée et mon amour universel était à sec. J'ai été poche.
- C'est correct la p'tite. Essaie de te grounder, de respirer, regarde les arbres qui poussent forts... pis ferme ta gueule de temps en temps quand t'as le feu au cul !
- Heille ! J'ai le droit de gueuler un peu des fois ! J'explose, moi, sinon !
- Écoute ma Noire, canalise ton énergie pis dessine, danse, va courir, mais laisse le monde vivre sa vie !
- O.k.
- Hey : Don't worry about a thing !
'Cause every little thing is gonna be all right !
Singin' don't worry about a thing, 'cause every little thing is gonna be all right !
Rise up this morning
Smiled with the rising sun
Three little birds, pitch by my doorstep
Singing sweet songs, of melodies pure and true
Singing : this is a message to you-ouh-ouh !!!
Je recommence à courir.
(Mon Héron est un mélange de grand-papa Bob, de Bob Marley et du Dr. B., je sais. (Ça fait beaucoup de B !) J'aimerais qu'on respecte mon monde imaginaire. Sans commentaire.)

Le reste de la semaine a été doux.
Mon frère a fait le défi "Têtes Rasées" pour Leucan (Bravo mon frère !), j'ai fait un don et je me suis calmé l'esti de pompom.
Il y a des gens mille fois pires que moi. Seuls. Malades sans espoir de guérison. Handicapés. Des enfants qui souffrent chaque jour de leur vie et qui sourient. (Bon, c'est vrai que la morphine fait sourire... Oh ! Mon humour est malsain !)
La vie est bonne avec moi.
Je ferme ma gueule. Je cours entre le fleuve et le ciel et je chante "is this love- is this love- is this love - is this love that I'm feelin' ?!..."




mardi 22 mai 2012

Criss

J'en ai plein le cul. Aujourd'hui mon coeur est un gros jambon froid de comptoir à charcuteries. J'ai un goût de métal et de rage dans le fond de la gorge, tous deux attribuables à la radiothérapie, et la Chauve-Souris crie crie crie et personne ne l'entend parce que fuck, une chauve-souris ça fait des sons invisibles, inodores, incolores, impossibles. Ça fait des vibrations, ça convulsionne des ondes, ça envoie, ça émet, ça renvoie, ça régurgite des ultra-sons, ça vole en rond.
Des chauves-souris, ça écoeure tout le monde.

Chaque pulsation cardiaque tape dans mon cerveau, BAM, BAM, BAM, je vais imploser un jour, je vais m'aspirer comme un trou noir, je suis mon abysse, ma mâchoire de fille-crocodile va me broyer en millions de petits morceaux, je vais m'avaler. Il ne restera de moi qu'un son de coeur qui bat, un rythme lent et orageux, très bas, un presqu'ultra-son de tambour battant. Un truc qu'on perçoit avec le ventre. Mais trop tard, mon mal de tête m'aura avalé, mes yeux explosés, la maladie aura mangé mon coeur et ses espoirs et pis fuck, la vie va continuer, HEIN ?! BANDE DE SALES VIVANTS ? AVEC VOTRE SANG ROUGE ET CLAIR ET BEAU AVEC VOTRE IMMORTALITÉ DE GENS EN SANTÉ QUI N'A JAMAIS FRENCHÉ AVEC LA MORT. VOS PUTAINS DE CORPS QUI FONCTIONNENT ET VOUS NE LE REMERCIEZ MÊME PAS VOUS ÊTES TOUS LÀ À DÉTESTER VOTRE CORPS À LUI FAIRE MAL À LE PRIVER À VIVRE À CÔTÉ. VOUS DORMEZ BIEN ? OH LE BON CONFORT DE LA VIE CONTRÔLÉE, ET LA VIE ELLE EST BONNE ? VOUS AVEZ LA VIE DEVANT VOUS VOUS DÉSIREZ VOUS RÊVEZ VOUS AVEZ UN ESTI DE FUTUR VOUS AVEZ L'INSOUCIANCE VOUS NE SAVEZ PAS VOUS NE SAVEZ PAS.
J'en ai plein mon esti de cul de crever à chaque jour pour rester en vie, o.k. ?!!
Moi aussi je veux un corps normal. Et un futur.
Je suis fatiguée merde.

mercredi 16 mai 2012

merci.

On dirait que le ciel va éclater et se fragmenter. Il est gris, lourd et gonflé. (Comme mon cerveau !) Ça sent l'orage. Je ne sais pas si les chauve-souris aiment la pluie...
L'air est pesant dehors et j'entends le tonnerre rouler au loin. J'aime les zones de tension, les points de rupture, la mince ligne. Ça va péter bientôt...

Hier, lors de mon anniversaire qui débute ma "christique" 33e année, je croyais que des halos de lumière m'enroberaient comme un M&M, que je léviterais (un peu, 2-3 centimètres au moins...), que mes mains propulseraient des boules de feu bleues et que ma voix serait divine et caverneuse. Mais non. Je n'ai même pas croisé un putain de Buisson Ardent, une retaille d'hostie, un criss de rameau tressé.
Aaaah oui mais.
Mais j'ai eu 33 ans et BEAUCOUP D'AMOUR !

C'était une journée difficile, une drille me perçait l'arrière des yeux et un truc rendait le centre de mon cerveau très très sensible. J'ai même eu mon premier vomi de fête ! Wow. (Pas de surprise. Je le savais ; c'était compris dans mon forfait radioactif ! Je pense quand même que ce vomi manquait de tact et de politesse et qu'il aurait pu attendre au lendemain de mon anniversaire pour sortir...)
Je m'en foutais. J'avais 33 ans et il y a eu tous ces gens que j'aime qui m'ont serrée dans leurs bras, tous ces messages et ces "bonne fête" remplis d'amour, il y avait toutes les personnes que je connais un peu, beaucoup, mucho-mucho, qui sont là depuis le début et qui me portent et que j'emporte chaque jour dans mon coeur au coeur des traitements. Le savez-vous Bon Sang ?! Le savez-vous que l'amour guérit ???!!!
Eh bien moi je vous le dis.
Et je vous dis "merci". Des millions de fois en ligne. Mon coeur est gonflé comme un ciel orageux et contient une pluie d'amour liquide.
Depuis le début, dès le suspens hollywoodien de la chirurgie, ma convalescence et ma regénération miraculeuse de salamandre. Vous étiez là. Vos mots m'ont nourrie. Vos bonnes pensées sont entrées en moi. Merci de me lire et de vous ouvrir à ce que je vis. Merci de répondre.
Juste "merci."
Je passe à travers tout ça sans toucher sol parce que je marche sur vos mots d'amour et vos ondes positives. Wahou !

(Vous n'êtes évidemment pas obligés de lire l'enfilade qui suit, mais si vous voulez savoir si vous êtes dans ma liste, il faudra vous la claquer !)

MERCI ;
mon bel Amour, ma Maman et son toupet magique, mon Papou-BBQ, Sammy-petit-bro & Stef-avec-un-F, Myl-ma-Sis' et son copain, ma grand-maman Tane, les\mes soeurs Faucon, François Lebeau (you kill !) tu m'inspires, ma marraine matante Cé et ses gars (poilu ou non !), la famille Lachance-Laplante, ma (presque)-grand-mère Hug' et ses Lavergne INC., mon parrain, matante Colette et le couvent, NALA qui monte les montagnes (vas-y ma belle : écris ton livre ! Je crois en toi !), tout le réseau de Nala !, ma belle Pascale aux yeux magnifiques, Émilie mon petit caramel, Antoinette Karuna, MCFLY ma belle sirène, So mon coeur fondant (moi je te marierais n'importe quand si j'était un gars !), Éric t'ES OOÙÙÙ ??!, Momo ma citoyenne adoptée préférée, Josée-crotte-de-nez que j'ADORE, Carole S. ma maman-nuage, la gang des Piles, Mario, Michel et Louise, les amis de mon frère qui m'ont écrit sans me connaître, ceux que je connais qui m'ont écrit !, les Roussy que j'aime, Janine G., Diane, les copines du centre sportif de l'UQAM (Ge, Marie-No, Amé G., Karine...), Issam, Mel D., Nath F., Athan', Daniel-San, Carrrl, la gang du YMCA (staff et participantes, Céline, Chantal, Lise, Jasmine... que je molestais allègrement !), la FUNKY-gang de Radio-Can, Hélène, Sylvie, Denise, Catherine, Geneviève...(Sophie et Jean inclus !), mes mamas MEXICANAS, Marie-HELLène, Luc, Éric-Rac, Naz, Claudette, mes beaux-parents, Rokosh, les amies masso, MC Lebeau, Annick, Alex, Nico (et ta mère !), les copains-copines de la Maîtrise (Julie, Simone, Nat, Chloé, Audrey, Catherine, Lorenzo, Maud, Daniel,...), Creamy-Carole, Claude M., Mo R.-Z., Sheena, les amis de Québec : Suzanne & Rémi, Sylvie & Ben, Val G. ma belle (je pense à toi très fort), Mireille Poulin, Geneviève Has, Carly & Jody, Mimi Chin, Maryam & Amine, Caro...
Wow. J'oublie beaucoup de personnes, je n'ai pas nommé chaque personne... J'en suis désolée. Mais je vous suis infiniment reconnaissante et je pense à vous individuellement et massivement à chaque soir.

Merci à vous tous qui m'avez connu du côté épidermique de mon corps. Le côté avec des yeux, des cheveux et (en général) des vêtements. À travers ce que j'écris, vous avez un accès sur le versant intérieur. Celui qui a souvent mal mais qui veut continuer à vivre fort et haut. Pour vous connaître, vous aimer, vivre avec vous. Je trouve les interelations horriblement complexes mais j'aime profondément les humains.

Aujourd'hui, pour la première journée de ma 33e année de (sur)vie, je me fais un cadeau, je vous dis "merci." (En ultra-sons de Chauve-Souris !)

(C'était mon moment post-anniversaire-radioactif-émotif. C'est important de dire merci. Ma grand-mère va être fière de moi !)

lundi 14 mai 2012

Dans "violence" il y a "vie"...

Je réfléchis sur la violence faite à mon corps pour le garder en vie, pour le sauver, le prolonger. Mon corps-bombe programmée, mon corps qui s'auto-détruit. J'ai une mine dans le cerveau. (Une mine radioactive pour l'instant, éloignez les femmes enceintes et les enfants de ma tête !)

On me troue on m'ouvre on m'ausculte on me coupe on me coud on me referme on me suture on me broche on m'attache on m'intube on me médicamente on me prend mon sang on m'injecte on me pique on m'irradie on me tâte on me palpe on me touche on me couche on me lève on me met une sonde on m'arrache la sonde on enlève on retire on vide on m'enferme sous un masque on m'écrase on me regarde être malade on me fait mal. Pour guérir. Je suis en sursis. Encore un peu. Encore. Je veux vivre. J'ai mal souvent, beaucoup, légèrement, en surface, en profondeur, jusqu'au coeur. Je souris, je ris, je blague, je marche, je dors, je fais semblant que je suis "normale", la douleur est ma normalité, ma norme, mon animal en cage ; je suis ma propre cage. Je m'en fous, je prends la douleur aussi, je prends tout, j'en veux plus, à force d'avoir mal on n'a plus mal.
Il y a un monstre dans ma tête, à chaque jour on le nourrit à force d'irradiations, il me mange les globes occulaires par en-dedans, il me gratte le cerveau, me griffe, me lacère la zone supra-sellaire. Il me dévore de l'intérieur. Il grossit. On dirait qu'on a fait bouillir ma tête. Mon cuir chevelu est sensible. Mon monstre rugit. Je prends d'autres Tylenol. J'apprivoise la bête, je dois apprendre à l'aimer, lui faire une place, le calmer.

Les chirurgies pour me garder en vie. La radiothérapie qui me lave doucement, me brûle par en-dedans. Le masque qui m'étouffe. Les millions d'examens, d'intrusions dans mon corps, ma micro-biologie est violée, j'en ai marre des fois de ces entrées et sorties dans mon être, de cet esclavage médical. J'aimerais que mon corps m'appartienne.

Les traitements que subit mon corps sont violents. Pour mon bien.
La violence de la médecine. À chaque jour. Accueillir cette violence.

Je suis allée visiter une serre GÉANTE et magnifique avec ma maman après mon traitement de ce matin. Le vert, les fleurs, les couleurs, l'odeur, les arbres qui s'ouvrent, les bourgeons... C'est comme Walt Disney pour moi ! Quel bonheur. La vie qui éclate. Je m'en suis nourrie (et j'ai acheté de la joubarbe parce que ça aime les sols secs et les conditions difficiles...) Le vert me regénère.
Je suis un petit taureau du printemps.
Demain ce sera mon 33e anniversaire.
L'âge du Christ. ("Le christ de bel âge", comme dirait ma grand-mère !!!)
Cette année, je prévois rien de moins qu'une RÉSURRECTION !!!

lundi 7 mai 2012

jour 4

Quatrième traitement.
Plus que 26.

Jeudi dernier, lors du deuxième traitement, ça s'est bien passé.
Vendredi, ça s'est TRÈS bien passé.
Et ce matin c'était comme une petite siesta (...mais dans un scan !)
Humm...  Je m'allonge, je détache mes cheveux, j'appuie ma tête sur l'appui-tête de plastique, les filles me mettent une couverture, des plaques en acrylique glissées sous chaque côté de mon corps. Je place mes mains sur mon ventre, sur la couverture (les techniciennes qui me surveillent par caméra pendant mon traitement doivent voir mes mains en tout temps ; on a convenu que si je m'excite les mains, c'est le signe que ça merde et elles interviennent. C'est la procédure pour tout le monde ; on doit voir les mains.) Puis, délicatement, elles me mettent le masque. CLAP ! CLAP ! CLAP ! On m'enferme sous mon Double plastifié, et puis hop ! c'est parti pour un autre petit tour dans le grille-pain à humain.
Je respire lentement, avec mon ventre.
Je glisse dans le scan. Je fonds doucement dans la table, comme une grosse motte de beurre. Tout mon corps est relâché, je suis bien. Étonnement, JE SUIS BIEN. Comme quoi l'être humain s'adapte à tout.
Je ressort. J'attends le résultat du scan pendant un cinq minutes de paix et de détente infinie. Je retourne dans mon four à fille... Je suis là, écrapoutie sous mon masque de Jason-le-tueur, à me faire cuire le cerveau et je vis un beau moment de douceur et de détente. J'ai apporté mon CD de Bon Iver (For Emma...) et j'ouvre toutes les cellules de mon corps comme des millions de yeux, je les gonfle d'amour, je m'imagine flottant dans une aurore boréale verte et rose et mauve, je dis à mon cerveau que je l'aime, "Saaaaw death \ Saw death on on a sunny snow \ For every liiiiife \ Forgoe the parable \ Seek the liiiiight \ My knees are cold (...)"... et le tour de manège est terminé.
Une technicienne enlève le masque, je saute en bas de la table, j'attrape mon manteau, je dis "salut les filles ! À demain !" et je vais rejoindre ma Maman qui m'attend dans le couloir. Elle me prend la main et on remonte vers la lumière, vers la sortie.
Un autre de fait.
Je tourne ma face à motif de "ruche  (ou : arachide-pas-écaillée) " vers le ciel et je souris.


J'ai eu besoin de trois jours pour trouver mon espace de liberté en-dessous du masque et de sa violence. Yes ! Je suis là et j'avance, un jour à la fois. Fuck le reste.

mercredi 2 mai 2012

Le premier, 1 de 30.

Premier traitement ce matin.
Plan de match : tous les jours, on procèdera d'abord à un scan. Léger temps de flottement pour faire l'analyse du résultat, suivi du traitement comme tel de radiothérapie. Environ 10-15 minutes.

Le masque.
C'est le masque.
C'est difficile.
Psychologiquement.
La pression, la tête écrasée. Respirer. Respirer. Relaxe Amé.
J'ai soudain eu hyperconscience de moi, le visage cloîtré là-dessous, enfermée dans mon masque, dans mon propre visage, dans mon putain de corps.
Colère colère, tristesse, merde, merde, merde, je ne veux pas.
JE NE VEUX PAS.
J'ai dit "non", les techniciennes m'ont retiré le masque. J'ai pleuré un peu. Absorber l'air à grandes goulées.
Ok Amé, arrête de pleurer. Chauve-Souris, BEHAVE. Fais face.
"Ok, j'y retourne, ça va aller." Comme si le masque en soi était un lieu...
(Bon, évidemment, tout ce pleurnichage a bouché mon nez et j'ai eu encore plus de difficulté à respirer lors de ce traitement-ci. Bien bon pour les filles braillardes !)
Je me réinstalle.
On reclipe le masque.
Respirer.
Je glisse dans le scan.
Respire Amé, respire.
Relâcher les épaules, la nuque, le visage. Les fesses. Fondre dans la table. Trouver une zone intermédiaire. Descendre dans mon corps et me rouler en boule dans ma propre enveloppe.
Fin du scan. On me ressort. J'attends.
Je cherche la main de la technicienne qui est revenue à côté de moi pendant l'analyse du résultat de scan. Contact humain. Moi sous ma cage et juste une main inconnue me libère.
Je retourne dans la machine pour le traitement.
Respirer.
Ne pas penser à toutes les personnes âgées qui traînent dans les couloirs avec moi. Ne pas penser qu'à 32 ans on fait des bébés, pas de la radio. Pense à grand-papa, pense à Kamou, le ciel, l'odeur du fleuve. Pense aux gens que tu aimes. J'essaie d'envoyer de l'amour dans mon cerveau, mais c'est plus difficile qu'on croit faire un envoi massif d'amour ET respirer. ET se faire bombarder la tête.
Je ressors.
C'est terminé.
THAT'S IT.
Un de moins !
Demain matin 10:20h. Deuxième traitement.

J'ai besoin de temps. Quelques traitements. Je vais trouver ma place là-dedans. Il y a toujours un espace entre mon corps et mon esprit, là où ils se rencontrent. Il y a une petite craque qui ouvre sur un lieu lumineux. Je vais trouver la mince ligne et y aller à chaque jour, laissez-moi juste un peu de temps.

dimanche 29 avril 2012

Kamou


Il fait beau à Kamou.
Le vent me fait du bien ; il me traverse de bord-en-bord et me nettoie.
Je descends le long du garage jusqu'au fleuve et je me trouve une bonne roche pour m'assoir. L'eau est loin mais la marée remonte doucement. Le ciel est clair et l'air est vif et piquant ; je cale ma tuque et je souris. Je suis heureuse.

Je pense à mon grand-papa Bob. Il me manque souvent.
Il se serait lentement assis à côté de moi, tranquille. Je lui aurais dit "Toute ça c'est à moi grand-papa. Toute. La grève, les roches, le fleuve, l'île avec les belles épinettes noires. Les montagnes bleues l'autre bord. Le ciel. C'est beau hein ?"
Pis il m'aurait dit "c'est de toute beauté ma Noire."

Tiens-moi la main grand-papa, j'en ai besoin pour le bout qui s'en vient.

jeudi 26 avril 2012

Stalagmites de tristesse

Mon coeur est triste.
Une chauve-souris, quand ça pleure accroché à l'envers, ça a les larmes qui glissent dans le front et mouillent son toupet et la morve qui remonte dans son nez ! Le caca, les larmes et la morve créent de jolis stalagmites ! Des fois, la douleur fabrique des formes magnifiques.

mercredi 25 avril 2012

Le Masque

(Pas de chronique non-scientifique sur les chauves-souris. J'ai autre chose au programme aujourd'hui...)

8h. du mat', radio-onco hop Notre-Dame, au 5e sous-sol, dans la Bat-Cave. Tous mes traitements seront là. Sous terre. Faut cacher creux les malades.

D'abord, ce matin, on fait le masque.
Je m'allonge sur la mince table du scan, on ajuste le support d'appui sous ma tête et mes cervicales; il faut que ça épouse l'arrière de la tête et la lordose cervicale. Je garderai le même durant toute la période des traitements. J'ai l'appui-tête A je crois. Probablement celui pour "p'tite tête" !
Ensuite on me pique (ah ! tiens ! ça faisait longtemps ! Ça me manquait justement une bonne perforation du bras !) et on laisse le micro-cathéter dans ma veine pour injecter l'iode plus tard, lors du deuxième scan. Les techniciennes papotent, elles sont adorables, je rigole avec elles. La salle est vraiment glacée ; toutes les salles d'IRM, scan, radio sont TOUJOURS des frigo, mais ce matin je me sens comme dans le frigidaire à viande. Je n'arrive pas à me réchauffer, même en y pensant très fort.
Une des technicienne me place le masque sur le visage en parlant du spectacle de théâtre de la veille de son fils de 7 ans... C'est une sorte de thermo-plastique, ajouré comme un filet serré qui est appliqué sur mon visage. Il est d'abord mou et chaud, comme un tissu qu'on a passé sous l'eau chaude, puis il se rigidifie lentement. Les techniciennes pèsent sur mon visage pour que le masque en suive précisément la forme. Une fois le plastique durci, on l'enlève et on continue la rigidification 2-3 minutes dans l'eau froide. Ensuite, une des technicienne me le met sur la tête et le barre sur les côtés. SCHCLAC ! SCHCLAC ! ...Je ne m'y attendais pas, je ne savais pas, personne ne m'avait dit... Le masque de plastique une fois froid est dur et enserre fortement ma tête. Mon visage est complètement écrasé en-dessous. J'ai l'impression qu'on me momifie live, comme le masque d'or de Toutankhamon (en beaucoup moins muséal) et que je manque d'air. Je conseille à toutes les personnes claustrophobes (et ouf ! pour moi, je n'en suis pas !) de ne pas faire de radiothérapie à la tête... Je marmone (coincée sous ma cagoule de plastique dur) "hum ! Pas le fun les filles. Je savais pas..." Une des filles me tiens la main et me dit que "ça va bien aller"... combien de fois on m'a dit ça depuis ma première tumeur, combien de fois on se le fait dire quand on est malade ?!! ARRÊTEZ ! ÇA NE VA PAS BIEN. C'est pour ça que je suis là. JE. NE. VAIS. PAS. BIEN.
Fuck.
Elle est quand même très gentille. Elle me dit de respirer lentement par le nez, que je peux entrouvrir légèrement les lèvres (2mm. c'est léger en criss) pour respirer et qu'il n'y a pas de danger. De leur faire signe avec la main si je ne suis pas bien, elles seront dans la salle juste à côté pendant les scans, elles me voient par la caméra. Pas moi ; je dois fermer les yeux quand je suis embarrée sous le masque.
Je lève le pouce. Je déglutis ; le mouvement de ma gorge accroche sous la pression du masque. Note à moi-même ; ne pas déglutir "trop fort" (y a-t-il des niveaux variés d'intensité d'avalage de salive ???) ça m'écrase la gorge. Je respire doucement par le nez en me concentrant. C'est important que je sois écrasée sous le masque ; il doit m'immobiliser pour que ma tête soit toujours EXACTEMENT positionnée de la même façon à chaque traitement.
La table glisse vers l'intérieure du scan ; au moins dans le scan il fait plus chaud ! Première séance, bgiiit, bgittt, bgitt ! Je focusse sur ma respiration. En tant que fille-crocodile à sang froid avec mes habituels 57 battements\minutes, je suis capable de descendre ça encore un peu si je me concentre bien ! J'imagine mon corps enveloppé de lumière dorée, violet, bleu profond, vert... Je respire doucement, je visualise les couleurs. C'est un peu ésotérique, je sais, mais c'est ce qui me vient quand je dois plonger en moi et atteindre mon espèce de "zone arc-en-ciel". J'ai besoin d'aller là pour traverser ce que vis mon corps, pour être dedans et à l'extérieur en même temps, sinon c'est insoutenable.
Fin du premier scan.
Translation vers l'extérieur. Ddgguuuut.
On m'injecte le liquide de contraste. Immédiatement, ça fait hyper-chaud dans la gorge, dans le ventre et dans le kiki. Comme du thé brûlant dans les veines. Ce n'est pas la première fois que j'ai une petite dose d'iode qui me traverse donc pas de surprise pour mon corps. Et vu le "pas-de-chaleur" des lieux, ce n'est pas désagréable ! Deuxième glissade dans le ventre du scan, deuxième séance pour ajuster les points d'entrées lors des futurs traitements. Bgiiit ! Bgiiit !
Évacuation de mon corps vers l'extérieur.
Fin du tour de manège pour Amé. Elles enlèvent le masque (fuck yeah !!!) et je me relève.
On enlève le machin planté dans mon bras, petit nuage ouaté au creux du coude et hop-là ! je me pousse de là. Mon bel amour m'attendait. Je dis "ça c'est pas le fun. C'est pas le fun pantoute." Il me prend dans ses bras sans rien dire et me serre fort. J'ai un peu envie de pleurer.
Je vais me reclaquer les écrabouillages massifs de face pendant vingt minutes chaque jour pendant les six prochaines semaines. J'ai un petit travail de respiration en douceur et d'enveloppements de couleurs à faire d'ici là !
François me regarde et rit de moi parce que le masque m'a fait une peau pleines "d'écailles" en relief. Il dit "là t'es vraiment la fille-crododile !" *(photo de Amé-peau de croco à venir éventuellement...) Je pars à rire. Je veux bien être la fille-crocodile pour traverser ce qui s'en vient. Un croco, ça a la peau épaisse et ça bouffe des gens tout cru ! Ouais. Ça, ça me tente !

Premier traitement mercredi prochain, le 2 mai, 9:05h. Top-chrono.

lundi 23 avril 2012

Chauve-Souris_03

Dernières nouvelles médicales ; mercredi le 25, 8h. du mat', rv en radio-onco pour mon scan de planification (de traitement) et la fabrication de mon masque du Fantôme de l'Opéra...
Je préfère DE LOIN amorcer les étapes de préparation de mon traitement tchernobylien que d'être dans le flou assassin de l'attente...

Quand j'étais une petite fille avec trop de gueule et un gros toupet de brunette déjà piquante, on m'appelait Amélie-la-souris ou Amélie-le-biscuit. Je faisais, dans les deux cas, un bruit de a) souris et b) biscuit qui consistait en un "kikikikikiki". Ce blog se voulant aussi pédagogique, apprenez donc ceci ; les souris et les biscuits produisent exactement le même cri. À l'état sauvage et non domestiqué je suppose...
J'ai bien sûr grandi et je suis devenue Amélie-la-Chauve-Souris. C'est bien de passer du biscuit au mammifère aérien. Je le prends comme une nette amélioration. Au début, c'était pour la rime. J'ai dû m'y faire, parce qu'une chauve-souris c'est un petit tas informe de poil brun cottoneux vraiment dégueulasse avec des minis yeux noirs comme du caviar et une bouche pleine de dents pointues qui crie sans bruit. Sans parler des oreilles et des ailes veineuses et faites en peau de pocheton ! Avec le temps, je me suis approprié l'animal et j'ai fini par regarder ma grosse chevelure de fille-angora comme une caractéristique de mon espèce ; la chauve-souris chevelue. (Le moment pédagogique : ça se dit pipistrellus chevelus en latin. Eh oui.) Quelques années plus tard, totalement en harmonie avec ma chauve-souris intérieure, voilà que je me claque ma 5e chirugie et un forfait-radiothérapie en prime. Ce qui est bien avec la Vie, c'est qu'on en fait ce qu'on veut. J'ai donc vu un parallèle saisissant entre la petite créature brune de la nuit, les grottes, les ultra-sons et toute mon aventure médicale, radio-écho-thérapie compris ! J'ai décidé d'aller à la bibli et louer des livres sur les chauves-souris (je sais je sais, ça ne se fait plus. J'aurais dû googler "chauve-souris", mais moi j'aime le bruit des livres qui craquent et leurs odeurs.) J'ai commencé une série de dessins de chauves-souris et de grottes et je me donne doucement une colonnie et un univers pour me suspendre à l'envers ou virevolter... Le pouvoir infini de l'imagination (et teeeellement moins cher que Videotron !)
Merde. J'essaie de dire quelque chose depuis le début, c'est long je sais je donne toujours trop de détails quand je raconte une histoire, plus personne ne se rappelle du début quand j'y arrive enfin et là j'y arrive, voilà ; ce premier volet de mon blog s'appelle "La Chauve-Souris", mais il y en aura d'autres, je suis à moi toute seule une mythologie complète d'animaux et de créatures traffiqués, hybridés, rejoué à ma sauce (piquante !) Étrangement, quand j'y pense, ce sont presque tous des animaux moches ou reject... La fille-crocodile viendra quand ce sera sont tour... La couleuvre aux yeux magnifiques, l'anémone toxique des bois, l'épinette-qui-brille-dans-le-ciel (bon, ça c'est pas vraiment un animal, je vous l'acorde), la chenille à poils et la "papillone" qui sèche ses ailes (pas les deux en même temps, mais l'un comprend l'autre. C'est la même créature en deux temps...) et le requin. Dans la catégorie des Animaux-Amélie "animaux aimés par les enfants" il y a "Tiger" (pas tant parce que je suis magnétique ou féline... mais à cause de mon odeur constante de Tiger... Balm !!!), la pouliche (nous partageons un gros toupet brun) et Spiniker, le dauphin hyper-actif en représentation constante de l'Aquarium de Vancouver (où j'ai travaillé.) Si je persiste assez longtemps dans l'écriture de ce blog, quelques-uns de ces doubles animaliers seront choisis pour représenter un chapitre de mes aventures.

Dans le prochain épisode, (c'est-à-dire demain) nous découvrirons ensemble La Chauve-Souris !
Waouh.
Calmez-vous ! Vous n'arriverez jamais à tenir jusqu'à demain !...

jeudi 19 avril 2012

jeudi 19 avril 2012

"Dans la vie, il y a les cactus ;  dans les cactus... il y a les cactus ! Ayayaye ! Ouille ! Aïe !"
Le monde est un cactus. Mouaip.
J'essaie de les ramollir, je visualise un désert (coucher de soleil, petites touffes de buissons rachitiques et secs... un coléoptère qui se roule une boule de bouette, un serpent qui ondule doucement...) et des cactus mollassons, le piquant mou, une plante pastel et à texture de marshmallow. Cactus sucrés. Quand tu les transperses (avec un outil contondant de votre choix, soyez créatifs !) il s'en écoule du Cool-Aid ! Et comme le dit la chanson : " Cool-Aid ! Cool-Aid c'est bon ! Quand y'a du sucre dans l'fond !!!"
Cette vision ne m'aide pas beaucoup. À la rigueur je me trouve un peu zinzin, borderline pathétique dans mon désir de vouloir caoutchouter les épines qui me rentrent dans le c...orps et me transpersent. Il est dans ma tête le cactus.

Hier j'ai rencontré pour la deuxième fois Dr. Masucci. C'est un coeur, elle est très humaine et à l'écoute. Je me sens privilégiée de rencontrer des humains aussi magnifiques à travers tout ce que je vis.
L'IRM montre qu'il n'y a plus rien au site de la tumeur. Dis-pa-ru ! (Tour de magie douloureux et fait par des professionnels ; ne l'essayez pas à la maison !) Dr. Masucci me dit qu'elle a tenté de joindre mon Neuro-chir, Dr. Bojanowski, mais il est en chirurgie. Elle veut son opinion avant d'amorcer le protocole de traitement. Comme il a joué dans mon doux cerveau et qu'il a encore ma crânio en tête, elle veut confirmer avec lui qu'on lance bien le programme "SAVE THE BRAIN with the star-wars lasers" que je m'apprête à vivre... Selon la réponse de Dr. Bojanowski, j'ai un 5% d'espoir de ne pas recevoir de radio. C'est peu et je n'y crois pas.
Tant qu'à se rencontrer et à être enfermés dans un bureau ensemble, nous abordons le traitement comme tel et ses étapes ainsi que ses effets secondaires à court et long terme. Je saute les étapes du traitements parce que je me réserve du jus pour mes prochaines chroniques de fille-Chauve-Souris, mais les effets secondaires je peux bien vous en parler. (Je respire par le nez.) (Je mets une deuxième parenthèse pour ajouter que je ne suis qu'une personne parmi BEAUCOUP d'autres que je côtoie dans les couloirs à l'éclairage trop lumineux de la maladie ou encore qui sont dans ma vie Ce que je raconte, ce n'est rien à côté de ce que certaines personnes vivent. Il y a trois femmes que j'ADORE qui combattent présentement un cancer du sein. Je dédie ma petite chronique à toutes ces personnes qui se lèvent chaque matin le corps plein de cactus (en-dedans surtout.) Et au-delà de la maladie, il y a la vie et ses épreuves. J'aimerais vous divertir MAIS \ ET vous amener vers les autres. Vers plus large. Je passe par mon corps et mes mots, mais j'espère de tout mon coeur vous ouvrir une porte. Sur les autres.) (Fin des parenthèses qui me permettent aussi d'éviter de parler des effets secondaires un peu plus longtemps...) (O.k., j'arrête de niaiser !)
À COURT TERME, c'est à dire dans la durée circonscrite du traitement, il y aura probablement :
Maux de tête, léthargie-fatigue, nausées, vomissements.(De façon plus concentré dans les heures suivant le traitement.) Mystérieusement, tout goûte la cendre ou le métal. L'odeur seule de la cuisson nous lève le coeur, notre perception des saveurs et des textures changent. C'est supposé redevenir normal dans les semaines\mois suivant les traitements.
Perte des cheveux sur le devant et les côtés aux sites d'entrées. Sensibilité, rougeurs, brûlures sur ces mêmes sites du cuir chevelu. (Je vais être une chauve-souris à trous dans son pelage. Comme un fromage suisse... mais dans les cheveux !)
Problèmes de sommeil.
Hyper-sensibilité au soleil (of course, criss ; je vais burner de la tête ! !)
Peut-être, peut-être pas (moi j'ai décidé que je ne prends pas cette option-là) inflammation interne du cerveau au site traité. Doses massives de cortisone si oedeme et inflammation... (Et doses massives de cortisone pour Amé = dépression et rétension d'eau. J'ai l'air d'une balloune d'eau qui pleure tout le temps et qui veut crever...)
Comme ma tumeur est hypophysaire (donc située au niveau supra-sellaire) je prenais déjà beaucoup de médicaments en hormones de remplacement, à doses très naturelles bien sûr, n'extrapolez pas ! pour rester en vie et VIVE ! Lors de ma toute première chirurgie, mon Neuro-Chir avait fait le max pour retirer la tumeur qui avait grandi et englobé l'hypophyse, comme une fleur qui devient monstrueuse et avale sa tige ! Bref, ce type de tumeur implique souvent un petit sacrifice, en l'occurence l'hypophyse. (L'hypophyse est un peu la tour de contrôle de beaucoup de nos hormones. Elle reçoit et envoie les signaux chimiques des sites hormonaux divers. Cet équilibre chimique hormonal est HYPER précaire et mouvant pendant notre vie. Il doit être surveillé de très près. De plus, il influe sur notre humeur et par extension, sur nos comportements... (Pensez à une fille qui a ses règles et vous comprendrez ! HORMOOOOOOONES ! C'est un exemple un peu grossier et l'interaction entre les diverses hormones et signaux chimiques du corps en entier, organiques et etc. est totalement interelié. Le gros bordel.) Eh bien moi je n'ai plus l'hypophyse, ce grand chef d'orchestre. Enfin... presque plus. Il me restait un morceau en post-hypophyse et sur la tige qui monte à l'hypotalamus. Tout ça pour dire que le traitement va me SCRAPPER tout ce qui me reste d'hypophyse. Et ça, c'est la merde. Parce qu'après la radio, je devrai, Ô HORREUR, faire des séjours en endocrinologie (salut Dr. Serri mon endo !) pour me faire "resetter". Est-ce que j'ai dit que c'est un équilibre très précaire qui a un impact sur l'humeur et le psychologique ?! Oui ?! Ah bon. Vous ne savez pas ce qu'est l'enfer. Il est en-dedans de chacun de vous, chimiquement, hormonalement. En haut de la porte du département d'endocrino, on devrait écrire la première phrase du livre de Dante, La Divine Comédie (qui porte bien son nom !) "Vous qui entrez, laissez tout espoir." Mais je m'égare. J'y reviendrai bien assez vite un jour...
Qu'est-ce que je disais ? On bousille le petit chicot d'hypophyse qui me reste.
Ça devrait pas mais peut-être ; problèmes de vision. Problèmes d'ouïe.
Bonne nouvelle : à cause de l'endroit ciblé, je ne risque pas de déclencher d'épilepsie. Pas de problèmes d'ordre neurologique non plus. Goood, gooood !
Mes traitements vont durer 6 semaines à tous les jours, du lundi au vendredi. (Week-ends off !)

Effets secondaires à LONG TERME (à l'intérieur de 10 à 15 ans...) :
PEUT-ÊTRE (ce mot-là commence à me tomber sur les nerfs mais il est important pour moi ici), perte de mémoire à court ou long terme (il me restera la mémoire à moyen terme hein ?!),
perte d'attention et de capacité de concentration. Ça touche la capacité d'apprentissage donc.
Bref, ça cochonne le cognitif.
Merde.
Probabilité de causer un cancer ou d'autres tumeurs au cerveau à cause de la radio, qui peut déclencher des comportements cellulaires anormaux en traversant des cellules saines.
Avec la radiothérapie, je gagne 10 à 15 ans.
Vous, vous seriez contents avec 10 ans de plus ? Avec une date de péremption ? C'est bizarre de vivre avec un temps défini. Je vais m'habituer. J'ai besoin d'un peu de temps et de beaucoup de marches sur le bord du fleuve.
Je me sens comme un boa qui vient de manger une gazelle. Gros criss de morceau à faire passer et à digérer, mais il faut laisser les choses se placer d'elles-mêmes, il faut faire confiance à notre corps et laisser le temps au temps. En attendant, continuer de respirer.